La finance durable a le vent en poupe. Plébiscitée par la jeune génération en quête de sens, cette nouvelle spécialisation proposée par les écoles de commerce répond aux récentes exigences environnementales qui pèsent sur les entreprises. Pour autant, rares sont les fonds d’investissement qui permettent de réduire le réchauffement climatique. Est-il donc possible de verdir la finance ?
La spécialisation finance est toujours plébiscitée par les étudiants d’école de commerce. Mais pour la génération fraîchement diplômée, il n’est plus question de « faire de la finance pour simplement rémunérer des actionnaires » affirme le journaliste Florent Vairet dans un article des Échos Start publié le 23 mars 2022. C’est la raison pour laquelle les écoles de commerce lancent une à une leur master en finance durable : Kedge il y a 6 ans puis l’Edhec et Skema à la rentrée dernière.
Certains spécialistes considèrent même que les étudiants auraient dû être formés bien plus tôt. « La conscience de l’urgence climatique a nettement progressé ces dernières années, et la France s’est rendu compte un peu tard qu’elle avait oublié de former des professionnels de la finance » explique Dhafer Saidane, responsable de la spécialisation en finance durable et fintech au sein du master de Skema, dont on peut lire les propos dans l’article des Échos Start. Cela pose donc problème lorsque les entreprises doivent répondre aux nouvelles réglementations sur le climat car les collaborateurs à qui le dossier a été confié ne sont pas en mesure d’y répondre efficacement.
De plus, les étudiants sont souvent plus engagés que la direction de leur propre école de commerce. Ces nouveaux masters sont donc une aubaine pour la nouvelle génération en quête de sens qui aime les métiers de l’investissement mais qui ne s’imaginait pas évincer la protection de l’environnement dans le cadre de leur parcours professionnel.
« Toutefois, il ne faut pas se méprendre sur son métier. Malgré le vocable qui sonne comme un plaidoyer d’ONG, on parle bien d’argent et de retour sur investissement. » ajoute le journaliste en évoquant la mission d’un jeune diplômé à la direction des investissements de la banque des territoires de la Caisse des Dépôts et Consignations. Les étudiants ont conscience de cette ambivalence mais apprécient pouvoir travailler dans ce secteur autrement qu’en développant des projets très lucratifs pour les actionnaires. Cet investissement durable limite l’impact de la finance sur le changement climatique.
« Le tout est donc de se mettre d’accord sur une définition de la « finance verte », une étiquette largement utilisée par les acteurs financiers. » conclue le journaliste Florent Vairet.
Clarity AI, une plateforme technologique promouvant la durabilité au niveau mondial, a indiqué au mois de mars 2022 que sur 31 000 fonds de capital-investissement, seulement 7 % disposent de plus de 10 % de revenus verts. Rares sont donc les fonds qui contribuent à diminuer le changement climatique.
Pourtant, la finance serait un secteur essentiel pour décarboner l’économie. « A travers les entreprises présentes dans leur portefeuille d’investissement et de financement, les institutions financières produisent 700 fois plus d’émissions de CO2 que leurs émissions directes, selon l’ONG Carbon Disclosure Project. » peut-on lire dans un second article des Échos Start, publié en novembre 2021. Les banques s’engagent donc sur le sujet. Par exemple, lors de la COP26, près de 450 établissements financiers ont signé le Glasgow Financial Alliance for Net Zero dans l’objectif de devenir neutres en carbone avant 2050. Seulement, la question du respect de cet engagement peut être posée, quand on sait que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a affirmé que le financement des hydrocarbures par les banques de l’hexagone a grimpé de 19 % en 5 ans.
Dès lors, comment verdir l’épargne ? Il est possible de faire appel à des banques coopératives qui sont à l’origine de la finance éthique, comme la Nef ou le Crédit Coopératif (groupe BPCE). Chaque client peut également questionner sa banque afin de savoir si celle-ci continue à financer les secteurs du pétrole ou du gaz. Il y a aussi la possibilité d’ouvrir un livret développement durable et solidaire (LDDS), dont dispose la plupart des banques. Néanmoins, là encore, des spécialistes dénoncent le faible montant utilisé pour des investissements réellement verts. Eva Sadoun, cofondatrice de la plateforme d’investissement dans des entreprises à impact social et environnemental LITA.co, expliquait ainsi en septembre 2021 dans le journal La Tribune : « Au total, ce sont 121,8 milliards d’euros qui ont été déposés sur les LDDS depuis 2007, dont 16 dans la transition énergétique et 21 dans les logements sociaux. »
Il existe en outre des labels qui permettent de savoir si les fonds d’investissement ont un impact responsable. C’est le cas du label ISR (investissement socialement responsable) qui a été remis à presque 800 fonds. Seulement, selon Maud Caillaux, la cofondatrice de Green-Got, une néobanque verte, qui s’est exprimée dans l’article des Échos Start, ce dernier manque de crédibilité car il ne contraint pas à l’exclusion des énergies fossiles : « Ce qui est sûr, c’est que tout ne réfère pas à l’environnement. Le label ISR laisse imaginer que ça va être environnementalement cool, alors qu’il repose sur des critères extra-financiers dits ‘ESG’ (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Autrement dit, une entreprise qui a une très bonne gouvernance, qui communique très bien avec ses actionnaires peut se retrouver avec des portefeuilles dits ‘verts’, alors qu’elle ne l’est pas du tout. »
Enfin, selon une étude de Carbon Disclosure Project, plus de 8000 fonds, qui représentent plus de 60 % des actifs, engendreront une hausse des températures supérieure à 2,75 °C, bien loin des objectifs de l’Accord de Paris donc…