Le monde connaît une crise énergétique généralisée et amplifiée par l’aggravation du dérèglement climatique, la forte hausse de la demande énergétique, le manque d’infrastructures et de ressources, ou encore l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Face à l’augmentation des prix de l’énergie, le télétravail pourrait représenter une solution pour les entreprises. Mais le bilan énergétique du télétravail ne semble finalement pas si certain et le salarié pourrait à terme retrouver le 100 % présentiel.
Selon une récente étude de l’Adp Research Institute relayée par le journal le Figaro dans un article daté du 21 juillet 2022, 71 % des jeunes de 18 à 24 ans et 65 % des travailleurs européens pensent qu’ils pourraient démissionner si leur entreprise décidait de supprimer le télétravail et de revenir au 100 % présentiel. Les principales raisons évoquées sont la possibilité d’aménager son temps de travail en fonction de ses obligations personnelles mais aussi le gain de temps habituellement perdu dans les trajets domicile-travail.
Concernant le sujet des transports, la baisse de la consommation d’énergie est également un argument de taille. Un second article du Figaro, publié en septembre 2022, rappelle que l’Agence internationale de l’énergie (IEA) a effectivement confirmé le fait que l’instauration d’un seul de jour de télétravail par semaine permet d’économiser 8 500 000 tonnes de pétrole par an, soit une réduction de consommation de pétrole d’environ 170 000 barils par jour. « Dans le cas où le nombre de jours télétravaillés serait porté à trois par semaine, l’économie de pétrole s’établirait à 25 000 tonnes par an. Pour cette raison, l’IEA fait du télétravail l’un des dix points de son plan pour réduire la consommation de pétrole » lit-on encore dans l’article.
RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, qui a réalisé une étude sur les futurs énergétiques de la France pour 2050, tient des propos plus nuancés. L’entreprise explique en effet que pour provoquer une baisse de la consommation d’énergie, la mise en place du télétravail doit nécessairement engendrer une baisse de la surface de bureau. « Si un seul étage est vide alors que le reste de l’immeuble est plein, ou même à moitié plein, impossible de couper le chauffage central et donc de réaliser des économies d’énergie significatives », explique l’entreprise au journal le Figaro.
En outre, des chercheurs britanniques s’interrogent sur les nouvelles habitudes de vie extraprofessionnelles que peut indirectement provoquer le télétravail. Ainsi, le gain de temps potentiellement généré peut engendrer de nouvelles activités ou loisirs qui, eux, seront consommateurs d’énergie, parce qu’ils nécessitent par exemple des trajets supplémentaires (comme un départ en week-end). « (Les) conséquences indirectes du télétravail peuvent amenuiser, voire annuler, les économies d’énergie qu’il provoque de façon directe » peut-on ainsi lire dans le Figaro. L’utilisation de la visioconférence pour effectuer les réunions va elle aussi augmenter la note (1g de CO2 par minute). C’est ce que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) nomme les « effets de second tour du télétravail qui peuvent amplifier ou a contrario atténuer voire annuler ses bénéfices environnementaux », ajoute le journal, avant de confirmer les propos de Geoffroy Roux de Bézieux, le Président du MEDEF, qui doute de l’efficacité du télétravail sur le plan énergétique.
La journaliste Guillemette Faure dans sa chronique publiée dans le journal Le Monde le 28 septembre 2022 imagine l’entreprise de demain : l’openspace chauffé à 19 degrés, avec électricité à volonté, pourrait vite devenir un lieu hautement plébiscité par les futurs employés touchés de plein fouet par la crise énergétique, qui auront le luxe de travailler sans devoir porter un manteau et la possibilité de se laver les mains à l’eau chaude.
En tout cas, aujourd’hui, certaines entreprises anticipent déjà les premiers obstacles liés au télétravail. « En Grande-Bretagne, où les factures d’énergie ont augmenté de 45 % en un an, les fondateurs des espaces de coworking Spaces et Deskpass ont déjà dit s’attendre à une hausse de la demande de la part de ceux qui ne voudront pas payer, à la place de leur employeur, l’explosion du coût du chauffage de l’appartement dans lequel ils télétravaillaient . » écrit ainsi la journaliste.