Face aux doutes et déconvenues des consommateurs, salariés, associations ou encore investisseurs, les élus décident de durcir les lois en matière de RSE, même si certains spécialistes estiment que face à l’urgence climatique, ce durcissement ne sera pas suffisant. Étant donnée l’importance des problématiques RSE au sein des entreprises, les juristes voient quant à eux leurs missions évoluer et s’intensifier.
Depuis 2017, il existe pour les grands groupes français qui ont plus de 5 000 salariés en France ou les groupes dont le siège social est hors de l’hexagone mais qui emploient au moins 10 000 salariés dans notre pays, un devoir de vigilance. Celles-ci sont ainsi dans l’obligation de mettre en place un plan de vigilance permettant d’évaluer et de prévenir les risques sociaux et environnementaux. Cela peut concerner aussi bien les activités de l’entreprise que celles de ses filiales et même de ses fournisseurs, en matière de corruption, de lutte contre le réchauffement climatique, de préservation de l’environnement ou encore de respect des droits humains.
Avec la loi Climat et Résilience votée en 2021, les allégations publicitaires mensongères sont interdites et une entreprise qui ne respecte pas le devoir de vigilance peut par exemple être exclue des marchés publics. Ainsi, « depuis le 4 mai 2022, le Code de la commande publique prévoit que peuvent être exclues de la procédure de passation d’un marché les personnes soumises aux dispositions sur la loi sur le devoir de vigilance qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance » explique Didier G. Martin, associé du cabinet d’avocats Gide, dans un article des Echos daté du 19 mai.
Seulement, l’application de ces lois présente des limites car certaines mises en demeure réalisées par des associations à l’encontre d’entreprises qui n’auraient pas respecté leurs engagements restent souvent sans suite. De plus, un certain nombre de sondages mettent en exergue le manque de confiance des consommateurs en l’implication environnemental et sociétal des entreprises françaises, las du décalage entre le discours et les actes. Les salariés, mais aussi les candidats potentiels jusqu’aux investisseurs, ne sont pas en reste, à l’instar d’un groupe d’investisseurs de TotalEnergies dont le projet de résolution climatique a été banni de l’ordre du jour de l’assemblée générale du groupe, qui a eu lieu le 25 mai dernier.
Ces différents manquements ont poussé la Commission européenne à proposer le 23 février dernier un projet de directive qui durcit la loi. Les entreprises seront ainsi en capacité d’anticiper les risques juridiques, voire pénaux, qu’elles encourent, et seront surtout dans l’obligation d’appliquer leurs discours dans les faits et de rendre concrètes leurs promesses d’engagement.
Face à l’urgence climatique, certains spécialistes de la RSE estiment en effet qu’il y a nécessité de durcir drastiquement le cadre juridique mais d’autres soulignent le caractère illusoire des contraintes légales : « Tant que les émissions de CO2 seront autorisées, la plus contraignante des lois ne pèsera en rien sur la trajectoire suicidaire de l’humanité » s’insurge Fabrice Bonnifet sur son compte Twitter le 23 mai 2022.
Le durcissement législatif touche de plein fouet les juristes des entreprises françaises qui doivent désormais composer avec les problématiques complexes liées aux sujets de la RSE. « Les directions juridiques doivent s’organiser pour absorber cette accélération de la construction d’un cadre réglementaire complexe et évolutif et accompagner au mieux la stratégie de transition écologique de leurs entreprises » explique Nathalie Dubois, directrice juridique Fnac Darty et vice-présidente de l’AFJE (Association française des juristes d’entreprise) dans un article du site d’information Actu-Juridique.fr publié le 30 mai 2022.
Bien que les autres enjeux juridiques demeurent tout aussi importants, les juristes doivent étendre leurs missions afin de s’adapter aux problématiques RSE qui sont désormais pleinement intégrées à la stratégie des entreprises. C’est donc à ces dernières de renforcer leur pôle juridique : « Il y a nécessité pour les entreprises, dans des environnements de plus en plus complexes et évolutifs, d’intégrer l’intelligence juridique dans leur stratégie » précise Nathalie Dubois.