Un index d’égalité professionnelle femmes-hommes, déjà établi dans le privé, a été étendu à la fonction publique. Les scores obtenus et rendus publics à la fin de l’année 2023 sont bons mais certains critiquent les indicateurs utilisés. Car, à l’inverse, les inégalités au travail entre les femmes et les hommes semblent persister. Quelles en sont les raisons ?
Fin décembre 2023, plusieurs ministères, parmi lesquels le ministère des Affaires étrangères et les ministères sociaux, ont rendu publics les résultats de leur évaluation basée sur le nouvel index d’égalité professionnelle femmes-hommes de la fonction publique, imposé par une loi adoptée en juillet 2023 et un décret paru en décembre de la même année. Ce dispositif contraignant concerne les employeurs de la fonction publique d’État comptant plus de 50 agents et exige la mesure des écarts de rémunération et de taux de promotion entre les hommes et les femmes.
Selon les résultats dévoilés, le Quai d’Orsay, ministère des Affaires étrangères, affiche une note de 85/100 pour l’année 2022, surpassant ainsi de 10 points le seuil minimal requis de 75/100 (si la note obtenue est inférieure à ce minimum, les employeurs ont une période de trois ans à compter de la publication pour réduire les disparités, sous peine d’une amende pouvant atteindre 1 % de la rémunération brute annuelle globale de leurs agents). Les ministères sociaux, regroupant les portefeuilles du Travail, de la Santé et des Solidarités, ont également obtenu une note identique, révélée sur le site du ministère du Travail le 27 décembre 2023.
Néanmoins, les résultats sont à nuancer. Premièrement, le ministère des Affaires étrangères reconnaît le fait que les femmes restent peu représentées parmi les 10 % des agents les mieux rémunérés. D’autre part, les ministères sociaux obtiennent un score nul en matière d’égalité de rémunération entre les agents contractuels masculins et féminins, une composante de l’index qui ne compte que 10 % dans le score total.
Ainsi, cet index, qui sera étendu aux branches hospitalière et territoriale du secteur public en 2024 et qui est déjà mis en place dans le privé, est régulièrement critiqué. « L’index 2023 dans le privé affiche déjà une moyenne de 88/100… Les notes sont excellentes du fait d’indicateurs invisibilisant les écarts existants », déplore le syndicat FGF-FO dont les propos sont rapportés dans un article de CNews consacré au sujet.
« Si les femmes se sont battues pour avoir le droit de gagner leur propre argent, la lutte n’est clairement pas terminée. » affirme la journaliste Salomé Saqué dans un article du site d’information Blast. Quelles en sont les raisons ?
Dans le cadre du projet de médiation scientifique intitulé « Que sait-on du travail ? », lancé en mai 2023 par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po, les économistes Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet explorent les raisons persistantes qui entravent l’égalité entre les sexes sur le lieu de travail, dont on peut lire l’analyse dans un article du journal Le Monde publié fin septembre 2023.
Les deux économistes mettent en lumière le plafond de verre qui demeure dans le monde professionnel, en se basant sur des données de 2019 : cette année-là, les hommes ont gagné en moyenne 29 % de plus que les femmes, tous temps de travail confondus, et 17 % de plus en équivalent temps plein (le salaire étant converti à un temps plein pendant toute l’année, sans prendre en compte le volume de travail effectif). Malgré les avancées législatives en faveur de l’égalité des sexes, les auteures soulignent les disparités salariales et les différences quant à la nature des postes occupés par les femmes.
Les chiffres récents montrent ainsi que les femmes occupent plus fréquemment des emplois peu ou pas qualifiés, sont majoritaires dans les emplois à durée limitée, et travaillent davantage à temps partiel par rapport aux hommes. Les auteures attribuent en partie ces disparités aux choix d’orientation scolaire qui influencent les parcours professionnels, ainsi qu’à une « ségrégation verticale » persistante, où les femmes, même à des postes équivalents, gagnent moins et accèdent moins aux responsabilités hiérarchiques que les hommes.
Les économistes soulignent également le fait que les stéréotypes de genre persistent, réservant la fonction d’encadrement aux hommes, jugés plus autoritaires. La maternité est identifiée comme un point de bascule symbolique, ralentissant les carrières des mères et favorisant parfois celles des pères. « Les chercheuses (…) observent un regain de l’investissement professionnel des hommes ayant un jeune enfant, notamment car le partage des tâches demeure déséquilibré. » peut-on lire dans l’article. Vanessa di Paola et Stéphanie Moullet concluent ainsi que l’évolution des mentalités, notamment en favorisant un partage équilibré des tâches domestiques, est cruciale pour améliorer la représentation des femmes dans des postes de cadre avec des responsabilités hiérarchiques.