Deux camps s’opposent au Parlement européen : d’un côté les défenseurs de la croissance verte, de l’autre les partisans de la décroissance. Les seconds ont organisé en mai 2023 une conférence intitulée Beyond the growth sur la nécessité de changer de modèle économique et les stratégies à mettre en place pour y parvenir.
« La bataille est rude au sein de l’Union Européenne entre les partisans de solutions techniques permettant de tenir l’engagement climat lointain de neutralité carbone à horizon 2050 et ceux qui défendent des transformations radicales et rapides pour faire face à l’urgence climatique, aux menaces qui pèsent sur les ressources en eau et au franchissement des limites planétaires. » explique Anne-Catherine Husson-Traore, la directrice des publications de Novethic, dans un article publié le 16 mai 2023.
Les premiers considèrent que la croissance sera toujours nécessaire et que la décroissance ne peut être une alternative au modèle actuel. Selon eux, la décroissance ne permettra plus de faire face aux dépenses publiques vitales liées à la santé, à l’éducation ou encore à la protection de l’environnement. Les seconds, partisans d’une transformation radicale, ont organisé en mai dernier trois jours de conférence au Parlement européen dont l’un des objectifs était justement de déconstruire l’idée des premiers. Lors de l’événement intitulé Beyond the growth (Au-delà de la croissance), Ursula Von Der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a déclaré que « la croissance basée sur les énergies fossiles que sont le gaz et le pétrole était obsolète ».
Cette deuxième édition, réalisée à l’initiative du député belge Philippe Lamberts, a été organisée par vingt eurodéputés issus de cinq groupes : sept verts, trois socialistes et démocrates, quatre élus de La Gauche, deux libéraux de Renew Europe, trois conservateurs du PPE (Parti populaire européen), et un non-inscrit. L’événement a réuni près de 2500 participants, venus de toute l’Europe. Près de 5000 personnes se sont enregistrées pour suivre la conférence en ligne.
Des débats sur ce que sera l’Europe post-croissance, sur les stratégies à mettre en œuvre pour y parvenir et sur l’importance d’agir rapidement ont été organisés. Yamina Saheb, économiste et autrice principale du GIEC, y a d’ailleurs déclaré, comme indiqué dans un article du mouvement Génération Écologie consacré au sujet : « Il est peu probable que la génération de mon fils [né en 2020] aille à l’université, et atteigne l’âge de ma mère. Sa génération devra lutter pour manger, même en Europe. Ils se battront pour de l’eau ». Les conclusions de la conférence sont donc claires : il est nécessaire de changer de modèle économique, car la recherche de croissance a épuisé les ressources de la planète, engendré le réchauffement climatique et aggravé les inégalités sociales. La question qui demeure reste la manière de s’y prendre et d’adapter cet objectif aux problématiques actuelles liées au travail, aux services publics, à l’industrie, aux relations internationales, etc.
Pour Jonathan Barth, fondateur du Zoe Institute pour des politiques adaptées à l’avenir, dont les propos ont été rapportés dans un article du journal belge La Libre publié le 18 mai, la bataille entre ceux qui prônent la croissance durable et ceux qui veulent mettre en place la décroissance est stérile et fait perdre du temps. « Le défi est que nos économies sont très dépendantes de la croissance économique. Nos systèmes de sécurité sociale sont basés sur une croissance infinie, comme nos politiques budgétaires. Comment libérer la question de la soutenabilité de la dette, la stabilité du système financier et la réduction des inégalités de la dépendance à la croissance ? Comment arriver à une situation où cela n’a plus d’importance que l’économie croisse ou se rétracte, parce que le bien-être des gens n’en dépend plus ? C’est la question cruciale que pose le débat “au-delà de la croissance” et que nous devons résoudre ».
Mais aucune réponse définitive à cette problématique n’a été trouvée lors de la conférence, notamment parce que ces idées sont loin d’être partagées par tous. « Le but, c’est d’irriguer la bulle bruxelloise. C’est une entreprise de contagion culturelle » confie l’organisateur de l’événement, le député Philippe Lamberts, au journal La Libre.