Face à l’urgence climatique, une transformation de notre économie est inévitable. Pour l’accélérer, l’Europe a mis en place la directive CSRD visant à étendre les obligations de reporting extra-financier des entreprises. Néanmoins, des dirigeants redoutent les conséquences de ces nouvelles normes sur les entreprises et notamment les PME.
Face à l’urgence climatique, de nombreuses voix s’élèvent pour demander un changement profond de la part des entreprises européennes. De simples ajustements ne sont plus suffisants pour répondre aux enjeux auxquels devront faire face demain notre société mais aussi notre économie. « C’est d’une transformation profonde, voire d’une révolution du capitalisme dont les entreprises, l’économie et la société dans son ensemble ont besoin. » lit-on dans un article du journal La Tribune qui interroge Pierre-André de Chalendar, président de Saint-Gobain et de l’Institut de l’Entreprise, lors d’une conférence le 9 mai 2023. Ce dernier considère en effet que l’entreprise se doit de verdir l’ensemble de ses activités et de son fonctionnement. « L’entreprise doit être full RSE. Autrement dit, la notion de responsabilité sociale et environnementale doit descendre dans toutes les fonctions de l’entreprise, imprégner toutes les tâches, du haut en bas, si elle veut atteindre les objectifs fixés en matière de contribution à la lutte contre le dérèglement climatique et la préservation de la biodiversité » explique-t-il ainsi durant la conférence.
Pour accélérer cette transformation, l’Europe a mis en place une directive appelée CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), votée fin 2022. L’objectif de ce texte est d’étendre les obligations de reporting extra-financier des entreprises déjà en place via la directive NFRD de 2014 : elle concernera plus d’entreprises (plus de 50 000 au lieu de 10 000 actuellement) et accentuera les exigences environnementales et sociétales. Le but est d’harmoniser et de renforcer la réglementation inhérente à la transparence des entreprises dans un objectif de durabilité accru. Elle débutera en 2024 pour les entreprises déjà impliquées dans la directive NFRD. Seront ensuite concernées les grandes entreprises, puis les PME cotées en bourse et enfin les entreprises non européennes.
En revanche, le président de Saint-Gobain craint les effets de cette directive qui chercherait davantage à « imposer du reporting, taxer et punir ». Il s’inquiète également de sa complexité , « notant que les organisations devront s’emparer de pas moins de 1 200 indicateurs… Une crainte qu’a voulu alléger en fin de conférence le député (Renaissance) européen Pascal Canfin, président de la Commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire, en indiquant que nombre d’entreprises n’auraient pas à répondre à tous ces indicateurs, voulus pour couvrir le plus d’activités et de champs possibles » lit-on dans l’article du journal La Tribune.
L’inquiétude est partagée par Florence Naillat, déléguée générale adjointe du Mouvement des Entreprises de Taille intermédiaire (Meti), qui, dans un article du magazine Alliancy publié le 28 février 2023, redoute les conséquences sur la stabilité et la sécurité des petites entreprises qui n’ont pas les moyens financiers pour réaliser un tel reporting. Celui-ci demande du temps et du personnel dédié que ne possèdent pas les PME.
Marc Mossé, avocat chez August Debouzy, explique donc qu’il est primordial que les entreprises préparent dès que possible la mise en place de cette nouvelle directive. « Les dirigeants doivent associer au plus tôt les juristes à ce travail, et prendre ainsi les mesures d’anticipation nécessaires. En outre, il est indispensable d’effectuer un travail de classification de l’information au sein de l’entreprise, et de qualification des données, pour répondre à ces nouvelles normes. (…) Il faut éviter que ce travail ne soit une charge soudaine pour les entreprises, déjà soumises à de nombreuses obligations liées au « choc de conformité ». » affirme-t-il ainsi au magazine Alliancy.