Le traitement des données, aujourd’hui indispensable, peut être un réel point de blocage pour une entreprise dans la mise en place de sa politique RSE. L’intelligence artificielle pourrait être une précieuse alliée même s’il convient d’être attentif aux dérives potentielles.
Dans le cadre d’un sondage récemment publié par IBM, des dirigeants d’entreprises ont été interrogés sur les problèmes liés à la mise en place de leur politique RSE. Ces derniers mettent en avant l’inadéquation des données à leur disposition comme étant le principal blocage. Ainsi, les trois quarts des dirigeants interrogés expliquent que leur entreprise est inondée de données qu’ils doivent trier et analyser manuellement. En outre, 7 dirigeants sur 10 affirment qu’il est difficile d’utiliser ces données. Selon ces derniers, cette problématique liée aux données est un réel frein à la mise en place des politiques RSE (41 %) devant les obstacles réglementaires (39 %), les normes incohérentes (37 %) et l’absence de compétences adaptées (36 %).
« Comme le note IBM, cette difficulté à accéder aux bonnes données et à les interpréter empêche les entreprises d’offrir « une plus grande transparence au consommateur – un acteur essentiel – et de répondre à ses attentes ». Un décalage que fait d’ailleurs ressortir l’étude, qui se base sur les réponses tant de dirigeants que de consommateurs » peut-on lire dans un article du site d’information CIO, publié en avril 2023. En effet, seuls quatre consommateurs interrogés sur dix déclarent être suffisamment éclairés en matière de protection de l’environnement lorsqu’ils achètent un produit.
La collecte des données est pourtant primordiale dans la mise en place d’une politique RSE car elles permettent à l’entreprise de mesurer l’impact de ses activités au niveau sociétal et environnemental. Elle peut en effet utiliser des données qui concernent toutes ses activités, de son emprunte carbone à la diversité de son recrutement en passant par sa consommation d’eau.
Une étude, intitulée « Money Machines 2022 » et réalisée par l’entreprise de gestion de base de données Oracle et Pamela Rucker, conseillère en informatique et formatrice pour Harvard Professional Development, met en exergue le fait que plus de la moitié des français estiment que le recours à l’intelligence artificielle permettrait d’améliorer l’engagement des entreprises en matière de RSE. D’autant qu’« à horizon 2024, les entreprises ne vont pas seulement avoir vocation à fournir des indicateurs fermes sur leur impact environnemental et sociétal mais elles vont devoir publier leurs objectifs et tout mettre en œuvre pour les atteindre. Ce sera très important vis-à-vis de leurs investisseurs mais également de leurs clients », explique Nathalie Lorien, Digital Finance Sales Development Manager chez Oracle, dans un article du journal les Échos publié en 2022 et relayé par François Garreau, spécialiste de la RSE, sur son compte Twitter.
Le Natural Language Processing (NLP), outil de l’intelligence artificielle qui permet aux machines à la fois d’analyser et de produire le langage humain, pourrait par exemple se mettre au service de la RSE en réalisant le reporting des données, tâche fastidieuse, voire complexe, pour un homme. « Grâce au NLP, nous pouvons automatiser certains chantiers dans le cadre du reporting RSE tels que l’analyse d’une situation comme la prévention des risques climatiques ou le suivi d’un référentiel de types de labels qui supposent le traitement d’un très grand volume de données. L’automatisation permettra d’en extraire des informations pertinentes et déclencher l’information du changement opéré en temps réel. » explique ainsi Mélanie Pauli-Geysse, consultante senior pour le Groupe Square et Sara Meftah, chercheure au Square Research Center, dans un article du journal La Tribune publié en avril 2023. Ainsi, le NLP pourrait permettre le traitement en temps réel des données nécessaires au reporting de l’entreprise, réglementé par la directive CSRD qui impose aux entreprises de publier leurs données Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG), sous forme de rapport extra-financier.
En revanche, s’il peut être utile d’utiliser les évolutions technologiques pour que les entreprises puissent pleinement intégrer les enjeux écologiques et sociétaux dans leur stratégie, le traitement et l’analyse des données RSE soulève malgré tout des questions éthiques et de sécurité. « Nous sommes également conscients de l’enjeu nécessaire d’une régulation face à l’urgence des dérives potentielles que l’IA génère ; elle ne peut pas être hors champs de l’arsenal réglementaire parce qu’il s’agit de protéger les concitoyens, les entreprises, les institutions et les pays de la manipulation de l’opinion et de la cybercriminalité. » expliquent ainsi Mélanie Pauli-Geysse et Sara Meftah.