La nécessité de décarboner notre économie est un fait établi. En revanche, des freins existent encore, comme pour les PME et ETI européennes qui sont trop peu nombreuses à avoir élaboré un plan structuré de décarbonation ou dans l’Hexagone où de nouvelles compétences sont impératives pour répondre aux besoins dans certains secteurs.
Dans un article publié en septembre 2023, le site d’information L’usine Nouvelle évoque une enquête réalisée durant l’été par le fonds de capital-investissement Argos Wityu et le cabinet de conseil BCG auprès de 700 entreprises implantées dans six pays d’Europe de l’Ouest ayant un chiffre d’affaires inférieur à 1 milliard d’euros et moins de 1 000 employés. Le baromètre révèle une réalité préoccupante : la décarbonation des PME et ETI est un domaine négligé dans la lutte contre le changement climatique. Pourtant, dans son rapport annuel 2021-2022 sur les PME, la Commission européenne avait déjà signalé le fait que les PME contribuaient de manière trop significative aux émissions totales de gaz à effet de serre émanant des entreprises.
D’après l’enquête, la grande majorité des PME et ETI européennes estiment que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est importante, voire cruciale, mais la plupart d’entre elles se concentrent sur des mesures faciles à mettre en œuvre, comme l’efficacité énergétique et la prise de conscience des salariés, plutôt que de réaliser des transformations profondes dans leur modèle économique. En outre, plus de 60 % admettent ne pas avoir encore investi de manière significative dans leur transition écologique et seulement 11 % ont élaboré un plan structuré après avoir effectué un bilan carbone.
Les entreprises du secteur du transport et de la logistique sont les plus avancées dans la décarbonation, tandis que celles de la chimie et des industries à haute température ont progressé de manière moins importante. Mais « les entreprises de taille moyenne ne sont qu’aux prémices de leur transformation durable » explique Fabien Hassan, principal chez BCG, dont on peut lire les propos dans un article du site d’information Carenews.
Les entreprises considèrent que l’évolution de la réglementation, les prix de l’énergie et l’influence des clients sont les principaux moteurs de la décarbonation. Les grandes entreprises, soumises à la directive européenne CSRD devront ainsi impliquer leurs fournisseurs, y compris les PME et ETI, dans leurs efforts de décarbonation. Cependant, les dirigeants des petites entreprises identifient toujours des obstacles importants, notamment les complications liées aux investissements, le manque de signal politique clair et la pénurie de temps et de ressources.
L’objectif de réduction des émissions de CO2 rend nécessaire en France une transition dans divers secteurs tels que l’industrie, l’agriculture ou encore la rénovation des bâtiments. Pour réussir cette transition, « il nous faut des compétences nouvelles » affirme Jean-Marc Jancovici, spécialiste du dérèglement climatique, au micro de RTL et dont les propos ont été rapportés dans un article publié par la radio en octobre 2023.
Ainsi, dans le secteur industriel, il faut savoir que les sites de Dunkerque et de Fos-sur-Mer représentent un enjeu majeur car ils génèrent à eux-deux la moitié des émissions industrielles de la France. L’objectif étant la réduction de moitié pour ces émissions émanant de l’industrie au cours de la prochaine décennie, le défi est de recruter des profils capables de mener cette décarbonation. Or, ceux-ci sont malheureusement encore peu présents.
« L’agriculture fait également partie des secteurs en mutation. Lorsque nous avons mis au point au Shift Project le plan de transformation de l’économie française, nous avons évalué que pour décarboner l’agriculture, nous aurions besoin, dans les années qui viennent, de plusieurs centaines de milliers de paires de bras. Sachant par ailleurs que nous perdons énormément d’emplois en ce moment dans le domaine. Alors où trouver ces gens-là ? » s’inquiète Jean-Marc Jancovici qui précise que les compétences existent malgré tout dans ce secteur et que leur nombre doit être accru.
Enfin, dans le bâtiment, là-aussi certaines compétences nécessaires existent déjà, comme celles des maçons et des charpentiers. Cependant, il manque en France des compétences spécifiques nouvelles, liées à la rénovation énergétique, comme l’installation de pompes à chaleur ou l’isolation des bâtiments par l’extérieur, et qui sont impératives si l’on veut atteindre les objectifs liés à la transition écologique.
L’ingénieur précise en outre que de nouvelles compétences dans le domaine de l’hydrogène, pour développer des électrolyseurs et produire de l’acier à l’hydrogène, sont également indispensables avant de conclure : « Pour transformer et décarboner notre pays, il nous faut répartir l’emploi différemment. Un des angles morts des politiques publiques en général, c’est justement la disponibilité future des compétences. Les pouvoirs publics sont toujours très prompts à annoncer des milliards correspondant à des investissements. Mais on ne voit jamais des annonces sur la façon d’organiser la mutation de l’emploi. Il faut que l’on soit sûr que les besoins que nous aurons demain, sont bien en train d’être préparés aujourd’hui. »