Ces dernières années, on note une hausse de l’intégration des critères ESG dans les systèmes de rémunération variable. Cela facilite l’atteinte des objectifs RSE de l’entreprise et peut également contribuer à améliorer ses performances économiques. En revanche, le choix des critères doit être réfléchi avec soin, en évitant la multiplication excessive, pour garantir leur pertinence.
Ces dernières années, on note une hausse de l’intégration des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans les systèmes de rémunération variable au sein des entreprises. Ces critères évaluent la participation d’une entreprise au développement durable et à la prise en compte des enjeux sociaux, couvrant une gamme variée de domaines, de la réduction de l’empreinte carbone à l’inclusion des personnes handicapées sur le lieu de travail. Ainsi, au cours de l’année 2022, la plupart des sociétés françaises cotées en bourse ont inclus ces critères ESG dans le calcul de la partie variable des rémunérations de leurs cadres dirigeants.
« Avec l’application prochaine de la CSRD, cette tendance devrait s’accélérer. Les sociétés devront déclarer les éléments de rémunération liés à l’ESG concernant leur organe de direction. Le dirigeant a besoin que ses collaborateurs soient également motivés par des incitations financières, donc ça percole. » explique Philippe Aubain, associé chez EY, dans un article de L’Usine Nouvelle publié fin septembre 2023.
Deux tendances marquantes se dessinent : d’abord, une généralisation de l’adoption de ces critères par les entreprises, et ensuite, une extension de leur application à un éventail plus large de collaborateurs. Alors qu’auparavant, ces critères étaient principalement réservés aux membres du Comex, ils sont désormais étendus aux managers et aux employés de différents niveaux hiérarchiques. « Un rapport publié par l’ORSE et PWC indiquait déjà, en 2017, que 41% des entreprises du CAC40 les auraient intégrés aux primes de leurs managers. » lit-on dans un article de de l’expert en rémunération variable, Primeum, publié en juillet 2023.
L’adoption de cette approche se fait progressivement, comme l’indique une étude réalisée en 2022 par le Medef, EY et Deloitte. Parmi 100 entreprises, principalement issues de l’indice SBF 120, l’étude a identifié 41 entreprises incluant des critères RSE dans la rémunération variable de leurs cadres, dont une vingtaine le faisant pour plus de 1 000 managers. Comme l’explique Martin Richer, fondateur du cabinet Management & RSE, dans l’article de L’Usine Nouvelle, « à partir du moment où l’on considère que la RSE n’est pas déconnectée de l’activité de l’entreprise, la question de l’intégration de ces critères dans le variable se pose assez vite. Cela permet à tous de comprendre que ces objectifs sont prioritaires ».
Les avantages de l’intégration des critères ESG dans les systèmes de rémunération variable seraient multiples. En premier lieu, cela facilite l’atteinte des objectifs écologiques et sociaux de l’entreprise en encourageant les collaborateurs à soutenir sa stratégie RSE. Cette intégration peut également contribuer à améliorer les performances économiques de l’entreprise, la rémunération variable agissant comme un catalyseur de la performance. Enfin, cela renforce la réputation de l’entreprise en tant qu’employeur responsable et favorise la fidélité des collaborateurs les plus engagés.
Cependant, pour que cette intégration soit efficace, il est crucial d’établir une politique ambitieuse et concrète en matière de RSE. Le choix des critères doit être réfléchi avec soin, en évitant la multiplication excessive, pour garantir leur pertinence. Il est recommandé de se concentrer sur un ou deux critères ESG solides et appropriés, avec des objectifs spécifiques, mesurables et exigeants. Armelle Levieux, directrice Innovation du groupe Air liquide, affirme ainsi dans l’article de L’Usine Nouvelle: « Nous essayons d’avoir des critères peu dilués afin de concentrer l’effort. Chaque objectif ne doit pas peser moins de 5 % du variable. Il faut être très fin dans la fixation des objectifs, en s’assurant qu’ils soient mesurables et encouragent le reporting. Sur la sécurité au travail, on peut mixer un taux de fréquence des accidents et la participation à des réunions de formation, par exemple ». En 2022, lors de la présentation de son nouveau plan stratégique, qui inclut un objectif de réduction des émissions de CO2 d’ici 2025, Air Liquide avait renforcé les critères liés à la RSE dans la rémunération variable de ses 400 principaux managers, passant de 10 % à 15 %.
En outre, pour de nombreux cadres, les critères RSE sont généralement associés à des primes annuelles, bien que les systèmes varient d’une entreprise à l’autre. Cependant, certains experts remettent en question l’efficacité de cette approche. Fabien Lucron, directeur du développement commercial chez Primeum souligne ainsi : « Les salariés n’ont pas forcément besoin d’une prime pour contribuer à des valeurs auxquelles ils adhèrent déjà ».
En fin de compte, l’intégration de critères ESG dans la rémunération variable n’est pas toujours suffisante. Elle ne peut en tout cas pas remplacer « une bonne stratégie RSE et les investissements liés » conclut Philippe Aubain.