Avec une raison d’être et des objectifs sociaux et environnementaux inscrits dans leurs statuts et contrôlés par plusieurs instances, les entreprises engagées sont de plus en plus nombreuses en France. On les nomme des sociétés à mission.
La qualité de société à mission a été introduite par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte. Une entreprise qui désire devenir une société à mission doit communiquer officiellement sa raison d’être ainsi que des objectifs sociétaux et environnementaux qu’elle souhaite mener à bien dans la réalisation de son activité et qui sont en lien avec la raison d’être choisie.
La raison d’être et les missions ainsi déterminées doivent être notées dans les statuts de l’entreprise et déclarées au greffe du tribunal de commerce, selon les modalités prévues par le décret n° 2020-1 du 2 janvier 2020. La qualité de société à mission est indiquée dans le Système national d’identification et du répertoire des entreprises et de leurs établissements (répertoire Sirene). Un comité de mission doit également être mis en place. Il aura pour but de superviser les actions réalisées et suivre la progression des objectifs préalablement déterminés. Enfin, un organisme tiers indépendant sera chargé de contrôler la réalisation des projets.
Aujourd’hui, on dénombre mille sociétés à mission en France. Le chiffre semble faible puis qu’il existe quatre millions d’entreprises dans notre pays, en comptant les autoentrepreneurs, mais le nombre de sociétés à mission double tous les ans. Ainsi, comme l’indique le baromètre des sociétés à mission, édité par la Communauté des entreprises à mission, elles étaient 200 fin 2020, 597 fin 2021 et 1008 fin 2022. De même, en 2020, si 215 000 employés travaillaient dans une société à mission, ils sont aujourd’hui 660 000. Pourtant, la plupart sont des petites entreprises, de moins de 50 salariés (80 % d’entre elles).
« Le statut n’est vieux que de trois ans… Cette histoire vient tout juste d’éclore, mais c’est déjà une belle aventure » rappelle dans un article du magazine Le Point publié en mai 2023 Alain Schnapper, ingénieur des Mines, spécialiste de l’industrie et de la distribution. Et en effet, comme l’indique l’hebdomadaire, de grands groupes ont aussi franchi le pas : Danone, La Poste, La Banque postale, KPMG France, le Crédit mutuel Arkéa, le groupe Rocher, Doctolib, Aigle, Léa Nature, la Maif, la Camif, Back Market, etc.
« Ce statut répond à des questions existentielles : les entreprises peuvent-elles se limiter à engranger du profit ? Au service de quoi doivent-elles mettre leur pouvoir ? Quelle est leur utilité sociale ? » ajoute Alain Schnapper. Les entreprises déterminent ainsi leur raison d’être, c’est-à-dire le projet qui sur le long terme sera un objectif (sociétal et environnemental) majeur de l’entreprise et fera partie intégrante de son identité. L’hebdomadaire Le Point donne quelques exemples de raison d’être des entreprises françaises : « œuvrer pour un monde en meilleure santé » (Doctolib), « donner à tous les humains le pouvoir de faire durer les machines par la circularité et la réparation » (Back Market) ou encore « permettre à chacun de vivre pleinement des expériences sans laisser d’autres empreintes que celles de ses pas » (Aigle).
Mais pour éviter que ces objectifs ne restent que des vitrines ou des campagnes de communication, un contrôle est mis en place, à travers un comité de mission, qui regroupe aussi bien des salariés que des personnes expertes du sujet tels des climatologues ou des économistes, et un organisme tiers indépendant, extérieur à l’entreprise, comme un commissaire aux comptes ou une agence spécialisée. Ce dernier est en capacité de demander au tribunal de commerce de retirer la qualité de société à mission à une entreprise qui ne respecterait pas ses engagements.
« En fonction de l’état d’avancement du projet, le comité de mission gratifie chaque indicateur d’un pictogramme : soit un soleil (si tout va bien) soit un nuage (si tout reste à prouver). Mais quelle récompense pour un soleil ? Rien de tangible en réalité : ni avantage fiscal ni subvention. « Mais l’adoption de ce statut et le fait d’avoir de bons résultats nous permet d’éviter le phénomène de démission silencieuse qui touche certaines entreprises et nous aide à recruter alors que la guerre des talents fait rage, continue Adrienne Horel-Pagès (directrice de l’engagement citoyen de La Banque postale). Les Français veulent donner du sens à leur travail au-delà de la simple génération de profit ». » peut-on encore lire dans l’article du magazine Le Point.