Face aux appels à déserter les entreprises émettrices de gaz à effet de serre, les jeunes diplômés ont tendance à délaisser les grands groupes qui souffrent en conséquence d’une pénurie de main d’œuvre qualifiée en matière d’enjeux environnementaux. Le manque de formation des étudiants amplifie le problème.
Les jeunes diplômés des grandes écoles sont en quête de sens dans leur carrière professionnelle. Ils souhaitent de plus en plus se diriger vers les métiers engagés, qui leur permettront de percevoir l’impact positif de leurs missions. Face aux appels à déserter les entreprises dont les activités sont considérées comme polluantes et émettrices de gaz à effet de serre, les étudiants ont tendance à délaisser les grands groupes pour rejoindre des entreprises sociales et solidaires, la fonction publique, des start-ups ou encore le monde associatif.
En conséquence, « les grands groupes s’inquiètent », explique dans un article du média breton Le Télégramme, publié le 12 mars 2023, Denis Guibard, directeur de l’institut Mines-Télécom Business School et président de la commission Développement durable et responsabilité sociétale de la Conférence des grandes écoles (CGE). En effet, les grandes entreprises connaissent une pénurie de main d’œuvre spécialisée sur les sujets de la RSE. Pourtant, afin de répondre aux enjeux environnementaux qui sont de plus en plus importants pour les salariés et les consommateurs, ces groupes sont dans l’obligation d’évoluer. Pour rester attractifs, ils doivent recruter de nouveaux candidats formés sur ces thématiques qui leur permettront d’avancer dans leur transition écologique. Mais ces derniers hésitent à s’y rendre justement parce que l’engagement des grandes entreprises est encore trop faible.
Cependant, elles n’ont plus le choix, en raison notamment des textes de loi qui durcissent les obligations en matière d’écoresponsabilité, amplifiant leurs inquiétudes. Qui est plus est, la concurrence est rude puisqu’il y a peu de jeunes diplômés formés. « Les métiers de la RSE demandent davantage de connaissances techniques et pointues et le vivier de recrutement reste insuffisant face à la demande » déplore Catherine Brennan, directrice des opérations de Birdeo, un cabinet spécialisé dans le recrutement des métiers à impact.
« Les managers ont un rôle décisif dans la transition vers une société décarbonée et résiliente. Ils doivent atténuer les impacts de leurs organisations sur l’environnement et œuvrer à l’adaptation de la société aux bouleversements en cours. » peut-on lire dans la synthèse relative à la formation des acteurs de demain réalisée fin 2022 par The Shift Project, un think tank engagé pour une économie décarbonée et dirigé par Jean-Marc Jancovici.
Problème : les étudiants ne sont pas assez formés sur ces thématiques. Ainsi, en 2019, les formations en management n’étaient que 6 % à enseigner les enjeux climatiques dans leur programme de cours obligatoires. De plus, d’après un sondage du Shift Project réalisé auprès de 489 enseignants de l’enseignement supérieur en gestion, ils sont 94 % à estimer que leurs établissements devraient former les étudiants à ces enjeux.
En conséquence, le think tank considère qu’il est essentiel que les directeurs se forment pour initier la démarche au sein de leur établissement et redéfinissent leur stratégie en y intégrant les problématiques écologiques. De plus, « 53% des enseignants déclarent avoir besoin de temps pour intégrer davantage les enjeux écologiques à leurs cours, 43% déclarent avoir besoin de formation, 42% déclarent avoir besoin d’échanges avec leurs pairs » peut-on encore lire dans la synthèse. Il est donc nécessaire que les enseignants puissent bénéficier d’une formation complète en la matière afin qu’ils puissent retravailler les cours qu’ils dispensent aux étudiants en y intégrant la dimension écologique.
Néanmoins, il semblerait qu’il y ait « une prise de conscience au sein des directions. Dans notre établissement (institut Mines-Télécom Business School), nous sommes en train de revoir le programme pour que ces enjeux environnementaux soient intégrés de manière systémique dans l’ensemble des matières » conclut Denis Guibard dans l’article du média breton.