Avec une réglementation sur les sujets sociétaux et environnementaux de plus en plus contraignante, les entreprises réalisent des audits de leur politique RSE afin de déterminer les axes d’amélioration. Néanmoins, les auditeurs pointent les dysfonctionnements de leur métier qui freinent l’impact de leur travail.
Désormais, avec la mise en place d’un cadre légal, les entreprises sont de plus en plus contraintes sur la question de leur responsabilité sociale et environnementale.
En effet, l’article 1833 alinéa 2 du Code civil issu de la loi Pacte du 22 mai 2019 contraint l’entreprise à atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 établis par les instances internationales. « Un corpus de lois et décrets définit la nature, la finalité et jusqu’à la manière de construire les nouveaux modèles d’activités économiques et constitue le nouveau cadre de développement de l’entreprise. » peut-on lire dans un article du site d’information Carenews daté de janvier 2023 et consacré aux nouvelles charges des entreprises. L’article précise également les conséquences de ces nouvelles règles. Ainsi, l’entreprise qui ne respecterait pas l’article 1833 du Code civil est susceptible d’engager sa responsabilité civile et une jurisprudence basée sur cette nouvelle donne devrait rapidement voir le jour.
En outre, la directive CSRD a été publiée au journal officiel de l’Union européenne le 16 décembre 2022. Elle entrera en application de manière progressive : 2024 pour les entreprises cotées, 2025 pour les autres grandes entreprises, 2026 pour les PME cotées. Cette directive renforce et standardise les règles en matière de reporting des données extra-financières des entreprises, relatives aux questions écologiques et sociétales. Elles seront ainsi dans l’obligation de communiquer les données inhérentes à leur activité et pourront mesurer concrètement leur impact sur la société et l’environnement, l’objectif étant de les amener à adopter une démarche durable.
Pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires, de nombreuses entreprises commencent à réaliser des audits de leur politique RSE afin de déterminer les axes sur lesquels il leur faut encore évoluer. Mais dans « L’audit RSE à la croisée des chemins », publié dans la Revue française de gestion n° 306 en novembre 2002, les chercheurs Camille Gaudy, Jonathan Maurice et Christophe Godowski analysent les difficultés que rencontrent les auditeurs RSE.
Des jeunes diplômés en comptabilité aux comptables expérimentés en quête de sens, ils sont nombreux à se tourner vers ce secteur d’avenir dont ils jugent la mission plus qu’utile. Déterminer et modifier l’impact des entreprises sur la biodiversité et le réchauffement climatique est nécessaire, et devient même obligatoire. Néanmoins, cet impératif se heurte aux dysfonctionnements ou aux manquements du quotidien de leur métier. « Le désarroi des auditeurs RSE est souvent à la hauteur de leurs attentes de départ » peut-on ainsi lire dans un article du journal Le Monde consacré au sujet et publié le 27 décembre 2022. Ces derniers rencontrent en effet trois problèmes de taille dans la réalisation de leur mission.
Premièrement, leurs compétences en la matière ne sont pas assez étoffées. Durant leurs études, les auditeurs RSE ont appris à déchiffrer un bilan comptable. Mais déchiffrer un rapport RSE et déterminer si une action est ou n’est pas responsable est différent. « On leur demande désormais d’évaluer aussi la sincérité d’engagements sociaux et environnementaux, ce qui nécessite des compétences spécifiques » précise l’article en indiquant qu’il est plus complexe pour les petits cabinets de pouvoir financer une expertise spécialisée sur ces thématiques afin de former leurs auditeurs.
Ensuite, les auditeurs manipulent des données délicates parce qu’il est souvent difficile de faire comprendre à l’entreprise l’importance d’une mesure quand celle-ci s’engage sur une autre plus symbolique qu’utile. « On accompagne les entreprises dans leurs petits pas, alors qu’il faudrait se mettre à courir » déplore un auditeur interviewé par le quotidien. Le problème réside également dans le fait qu’un auditeur a pour rôle principal de vérifier les données et qu’il est moins légitime dans le rôle de conseiller. « Il ne peut être à la fois juge et partie, ce qui le place dans une situation délicate pour fournir un réel accompagnement, pourtant nécessaire aux PME » lit-on encore dans l’article.
Enfin, le métier d’auditeur est rarement en phase avec les principes mêmes de la RSE. Il engendre beaucoup de déplacements et donc beaucoup d’émissions de CO2. Les missions sont souvent chronophages et permettent rarement un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. En conséquence, les auditeurs considèrent qu’il est urgent de mettre en place des mesures pour leur permettre de notamment faciliter l’accès des PME à ces audits, accompagnés d’un suivi efficace. Ils demandent un fond financier soutenu par l’État, qui vient justement de prendre la parole à ce sujet. « Devant près de 1200 commissaires aux comptes, le ministre de la Justice a exprimé son souhait de faciliter l’accès des auditeurs légaux au reporting #durabilité » peut-on lire sur le compte Twitter de Laure Mulin, commissaire aux comptes spécialisée dans la RSE, en décembre 2022.