Le 16 décembre 2022, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a été publiée au journal officiel de l’Union européenne, rendant obligatoire la mesure des performances extra-financières d’une entreprise. C’est donc une évolution notable dans le monde économique. Ce dernier intègre ainsi dans son modèle les dimensions écologiques et sociales qui lui manquaient et peut commencer à reconsidérer sa vision des ressources naturelles.
« « Extra-financier » : c’est terminé. ENFIN ! » écrivait sur son compte Twitter le 16 décembre dernier Martin Richer, spécialiste de la RSE, à propos de la directive « reporting de durabilité » dont la validation était attendue. En novembre 2022, cette directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) adoptée par le parlement européen a été validée par le Conseil de l’Union européenne. Elle rend obligatoire la mesure de toutes les performances d’une entreprise, y compris les performances extra-financières. Cette nouvelle obligation va donc chambouler les comptes des entreprises qui devront désormais y intégrer leur performance RSE. Cette mesure permet de rendre concrètes les dimensions environnementale et humaine actuellement absentes du cadre comptable.
Depuis quelques années déjà, des voix s’élèvent afin de critiquer la domination économique de la comptabilité à l’instar de Jacques Richard, professeur émérite à l’Université Paris Dauphine et membre du collège de l’Autorité des normes comptables (ANC), dont les propos sont rapportés dans un article du site d’information Novethic. Début 2019, il considérait en effet cet oubli comme étant « immoral, inique et anti-économique car tout économiste sait qu’il faut au moins trois capitaux pour fonder une société ». Dès demain, il sera donc possible de déterminer la soutenabilité d’une entreprise via sa comptabilité.
La directive CSRD va donner un cadre législatif inhérent à la publication d’informations non financières (NFRD, Non Financial Reporting Disclosure). Ces dernières auront la même valeur que les informations financières. Ainsi, les investisseurs auront la garantie de leur fiabilité et seront en mesure de les comparer.
En outre, dans un avenir prochain, les banques devraient intégrer les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans les analyses du risque crédit, à l’image de la Banque de France qui prend déjà en compte la dimension RSE dans sa cotation. La finance n’est donc plus purement économique, elle devient aussi socio-environnementale.
« On sort d’une période friedmannienne où seule la performance financière comptait. Aujourd’hui, on cherche une méthodologie pour exprimer le fait que la création de richesse de l’entreprise est autrement plus vaste et complexe. Un changement très important est en marche pour donner de l’entreprise une image complète, et non plus partielle. » a expliqué lors d’une conférence le président de l’ANC, Patrick de Cambourg, dont les propos sont rapportés dans un article publié sur le site d’information The Conversation.
Cette directive oblige aussi à considérer les ressources naturelles autrement que par la valeur marchande que le monde de la finance leur a octroyée. « En retraçant l’impact environnemental dans les comptes d’une entreprise, on s’engage dans une démarche de progrès visant à considérer la nature non pas comme un actif à exploiter mais comme une ressource à préserver. » écrivent Stéphane Ouvrard, professeur associé en Finance/Comptabilité à la Kedge Business School, et Pascal Barneto, professeur à l’IAE de Bordeaux, dans l’article publié sur le site d’information The Conversation.
L’urgence climatique et ses conséquences sociales démontrent la nécessité de délaisser les modèles économiques qui ne reposent que sur une dimension financière, soit la recherche de profits à court terme. Adopter un modèle social et environnemental pérenne est d’autant plus important que « l’argent n’est pas comestible », comme le rappelle Stéphane Ouvrard et Pascal Barneto. Il est donc primordial de mieux gérer les risques climatiques et sociétaux en adoptant de nouveaux modèles d’affaires. Mais cela n’empêchera pas l’entreprise de devoir reconsidérer totalement sa vision de la nature et son rapport avec elle.