Les femmes dirigeantes développent plus fréquemment la politique RSE de leur entreprise que leurs homologues masculins. C’est bien souvent une question de valeurs personnelles qu’elles véhiculent dans leur propre entreprise et qui répondent aux enjeux environnementaux et sociaux. En revanche, il existe un certain nombre de freins à dépasser pour que ces valeurs soient partagées par tous les collaborateurs.
Une étude réalisée par Bpifrance Le Lab auprès de 1335 dirigeants de PME interrogés sur leurs motivations confirme la surreprésentation des femmes dans les profils des dirigeants humanistes. En effet, le sondage publié en mars 2021 révèle que les dirigeantes sont 60 % à considérer que les questions du défi climatique et de l’accroissement du potentiel humain sont à placer au premier plan. « Les dirigeantes considèrent la question de l’entrepreneuriat de manière plus large en incluant les questions sociales et environnementales. Ce qui les fait pétiller, c’est de réussir leur projet, de mettre en place de la croissance durable plutôt que de la croissance à trois chiffres, et de créer de l’impact sur leur territoire » affirme Elise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab, think tank de Bpifrance, dans un article du journal Les Échos paru en décembre 2022.
Les conclusions de cette étude ne sont pas novatrices. Les sondages réalisés auparavant ont démontré que la présence des femmes au sommet d’une entreprise façonne différemment les stratégies de celle-ci, à l’image d’une étude de la Harvard Business School effectuée en 2007. Les conclusions ont en effet révélé que les entreprises dont au moins trois femmes siégeaient dans le conseil d’administration ont réalisé 28 fois plus de dons destinés à des causes humanitaires que dans les conseils d’administration uniquement masculins. L’histoire des femmes, marquée par le combat qu’elles mènent depuis la nuit des temps, associé à leur rôle de mère de famille, a nécessairement un impact fort sur les valeurs qu’elles véhiculent dans leur entreprise.
« Les femmes sont plus engagées en matière de RSE. Ce n’est pas tant une question de sexe mais plus une question de genre. On est plus dans la construction sociale, dans le comportemental que le sociologique, l’image qu’on renvoie. Les femmes doivent encore plus prouver qu’elles sont capables de faire des choses » explique au journal Les Échos Marion Polge, auteure d’une étude européenne réalisée entre 2017 et 2020 sur la mixité dans les TPE du bâtiment. L’analyse de cette dernière montre que la présence de femmes dans la direction de ces entreprises a un impact fort sur le management qui est davantage horizontal et participatif.
Plus généralement, de nombreuses dirigeantes ou membres des comités de direction semblent particulièrement actives dans l’économie durable probablement parce qu’elles ont à cœur d’aligner leurs engagements personnels avec leurs projets professionnels. En outre, les valeurs féminines semblent plus en phase avec les valeurs liées à la mise en place du développement durable. « Quand une femme se lance dans la création d’entreprise, c’est pour améliorer la société » justifie Marie Eloy, présidente du réseau Bouge ta Boîte consacré aux entrepreneures, dans un article des Échos Entrepreneurs fin 2022.
En revanche, les valeurs portées par une dirigeante ne suffisent pas toujours à changer les valeurs de l’ensemble des collaborateurs d’une entreprise. « L’impact des femmes n’est envisageable que si elles atteignent une proportion minoritaire suffisante. Rosabeth Kanter en 1977, puis Serge Moscovici en 1996, établissent qu’il faut qu’un groupe social atteigne une taille critique pour influencer le fonctionnement d’une organisation, changer la nature des interactions et modifier la dynamique de groupe. Ils se rejoignent sur environ 1/3 comme taille minimale d’une minorité pour influencer le comportement du groupe. » peut-on lire dans un article écrit fin 2020 par Viviane de Beaufort, professeure à l’ESSEC.
Raison de plus pour lever les freins qui empêchent les femmes de rejoindre la direction d’entreprises ou de créer leur propre entreprise. Accéder à un financement n’est pas toujours évident, notamment parce que beaucoup de femmes n’ont pas comme ambition première la croissance économique de leur entreprise et que celle-ci arrive dans la plupart des cas moins rapidement. La pérennité d’un modèle économique vertueux n’est pas encore reconnue par les établissements financiers, quand ce n’est pas la crédibilité même des femmes entrepreneures qui est remise en cause.