En 2021, 47 millions de salariés ont démissionné aux États-Unis. Le nombre est si important que cette tendance a désormais un nom : la grande démission. Certes, le phénomène est à relativiser en France puisqu’ils n’ont été que 520 000 dans notre pays à quitter leur travail au premier trimestre 2022. Néanmoins, la question d’engagement et de quête de sens en entreprise sont des problématiques bien réelles sur lesquelles ces dernières se doivent de se pencher.
« Le phénomène de grande démission outre-atlantique s’importe-t-il bien en France ? Les salariés sont-ils réellement désengagés ? Quel contrat social nouveau résulte des nouveaux modes de travail hybride ? Suffit-il de (re)travailler la raison d’être des entreprises et (re)donner vie par le jeu pour réengager les troupes ? » écrit Christel Lambolez, spécialiste des ressources humaines, sur son compte Twitter en octobre 2022. En effet, le sujet de la démission, nommé « Big Quit » (c’est-à-dire « grande démission »), est désormais sur la table de toutes les entreprises et questionne grandement les dirigeants.
Une étude réalisée par Harris Interactive pour l’AssurTech Alan en 2022 révèle que 50 % des salariés connaissent un mal-être psychologique, qui concerne même 60 % des employés de 18 à 24 ans. Ce baromètre de la santé mentale expliquerait le phénomène de la « grande démission » mais également une autre tendance : le « Quiet quitting ». Ce terme est repris sur la toile pour illustrer le fait de moins s’impliquer dans son travail. Ces tendances semblent de plus en plus présentes dans les entreprises. Si elles concernaient d’abord la nouvelle génération pour qui le sens et le bien-être au travail sont des conditions essentielles lors d’un recrutement, cette dynamique a fini par toucher l’ensemble des collaborateurs, désormais à la recherche d’un réel équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
« La Grande démission et le Quiet quitting sont la continuité de ce qu’il se passe. Si une entreprise ne donne pas au collaborateur les éléments qui lui permettent de s’épanouir, il va moins travailler et quitter l’entreprise sans lui donner les raisons de son départ. Quand on ne sait pas pourquoi la personne s’en va, c’est difficile pour une entreprise. » analyse Thomas Cornet, Directeur Général et co-fondateur de Wittyfit, une plateforme digitale de pilotage de l’expérience collaborateur, dans un article du site d’information French Web. Dès lors, comment les entreprises peuvent-elles identifier les besoins de leurs collaborateurs et y répondre efficacement ?
L’étude d’Harris Interactive a mis en exergue le stress, le manque de motivation ainsi que la perte de sens comme causes probables d’une démission. C’est donc précisément sur ces problématiques que peut agir l’entreprise pour prévenir toute difficulté psychologique ressentie par ses employés. La solution doit venir des entreprises qui ont désormais tout intérêt à être à l’écoute de leurs salariés afin de pouvoir récolter le fruit de leur travail, quand il y a encore peu c’était à l’employé de faire ses preuves en premier lieu.
L’écoute permet de cerner ses équipes et répondre à leurs attentes de manière personnalisée. Il est par exemple important d’instaurer des moments d’échange qui donnent l’opportunité aux salariés de s’exprimer et aux managers d’identifier les axes d’amélioration possibles. Il est également essentiel de reconnaître les efforts et les performances de ses équipes afin de les valoriser comme il est utile de savoir déléguer les prises de décision. La confiance est en effet un moteur fort en matière d’engagement du salarié.
Plus basiquement, il est d’abord important de travailler sur l’ambiance de l’entreprise, sur les conditions de travail du salarié, sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il existe de nombreux axes sur lesquels l’entreprise peut agir : développement du télétravail, mise en place de la semaine de quatre jours, choix de contrats à durée indéterminée, instauration de l’égalité salariale, définition de valeurs propres à l’entreprise et partagées par les salariés, possibilité d’évolution professionnelle et de formation, installation de bureaux privatifs et ergonomiques, etc.
Enfin, il est en premier lieu primordial pour l’entreprise de prendre en compte le mal-être de ses salariés, à une époque où ce qui fait sens est devenu la quête première de chacun. « Dans une société où la recherche de sens est devenue primordiale, il n’est pas surprenant qu’elle concerne aussi le monde du travail. Cette attente est capitale pour les jeunes générations. Désormais, les salariés (qui n’oublient pas qu’ils sont aussi des citoyens) ont également des attentes fortes vis-à-vis des engagements et de l’éthique de leurs employeurs. La frontière entre citoyen et employé, entre vie personnelle et vie professionnelle, n’est plus si distincte que par le passé. Ainsi, des notions comme la décroissance et la relocalisation trouvent un écho puissant parmi les employés, qui attendent de leurs employeurs un engagement et des actes, au même titre que les politiques. À ce titre, démissionner d’une entreprise, car elle ne correspond plus à ses valeurs, n’est plus un acte isolé, et prend pour beaucoup le sens d’un geste politique. » écrit en septembre 2022 Laurence Dubois, directrice des ressources humaines de Prodware France, une société de services informatiques, dans un article de l’hebdomadaire Le Point. Instaurer une politique RSE forte peut donc également être une réponse au phénomène « Big Quit ».