Pour certains spécialistes, la RSE n’est pas allée assez loin dans son objectif de développement durable. Depuis son apparition dans les années 2000, les inégalités sociales et le réchauffement climatique ont malgré tout continué de s’accentuer. Des chefs d’entreprise proposent donc des concepts alternatifs. Zoom sur l’un d’entre eux, la permaentreprise.
Conçu par Sylvain Breuzard, président fondateur du groupe informatique Norsys mais également président de Greenpeace France, le terme de permaentreprise est encore peu connu. Comme son nom l’indique, le concept s’inspire de celui de la permaculture. Le modèle de permaculture va plus loin qu’une agriculture respectueuse et en lien avec la nature, elle intègre aussi le bien-être et l’équité dans le mode de vie de l’être humain. La durabilité de nos écosystèmes est en jeu, dans le concept de permaentreprise aussi.
Dans une interview réalisée en 2021 par les Echos Entrepreneurs, Sylvain Breuzard explique son concept : « Cela consiste à rebâtir l’organisation selon trois principes. Le premier est de prendre soin de l’être humain, c’est-à-dire, comme dans la permaculture , en régénérant régulièrement l’énergie des collaborateurs via le management et l’organisation. Le deuxième objectif est de préserver la planète, notamment grâce à une contribution nette et positive en carbone, ce qui suppose de réduire, pas de compenser , d’ici à 2030. La prochaine décennie est cruciale : si on ne s’y attelle pas dans ce délai, les impacts seront si déstabilisants que la réparation deviendra trop coûteuse. Enfin, le troisième levier est de redistribuer équitablement les richesses et de se fixer des limites. Cela revient à dire aux dirigeants : « N’attendez pas que le législateur vous impose le changement, prenez vous-même la décision. »
Une permaentreprise est donc une entreprise dite « à impact » ou « à mission ». Pour respecter son premier principe, c’est-à-dire la bienveillance envers l’être humain, la permaentreprise s’engage notamment à : réduire l’inégalité salariale ; privilégier un management dit « horizontal » en évitant un mode décisionnel descendant ; assurer le bien-être physique et mental de ses employés qui fait la part belle à la régénération et l’équilibre entre la vie professionnelle et personnelle ; ou encore favoriser l’employabilité des salariés.
De plus, afin de préserver la planète, la permaentreprise s’engage à réduire ses émissions de CO2 très rapidement par le biais d’une contribution nette positive en carbone. Elle peut se baser sur la réalisation de bilans carbones afin d’ajuster son fonctionnement. Cela revient aussi à adopter des gestes concrets tels que limiter autant que possible les voyages en avion ou s’engager pour la reforestation. Enfin, pour respecter son troisième principe, redistribuer équitablement les richesses et se fixer des limites, la permaentreprise doit donner 50 % de ses résultats financiers aux actionnaires et 50% aux salariés.
Le but de la permaentreprise est de protéger l’environnement et de réduire les inégalités. Mais elle n’oublie pas pour autant son objectif principal en tant qu’entreprise : générer un chiffre d’affaires suffisant. « Sur le papier, ce concept ne manque pas d’atouts et ne remet pas en question la nécessité de production. Il se focalise plutôt sur les conditions de cette production, en se basant sur la permanence des ressources et le principe d’efficacité dans son sens le plus noble. » lit-on par exemple dans un article du Décideurs Magazine n°238 paru en juillet 2021.
Le concept est connu des spécialistes de la RSE. Ainsi, en juin 2022, la journaliste Marie Vabre relayait sur son compte twitter l’intervention qu’elle venait de réaliser avec le fondateur de la permaentreprise, lors d’un colloque sur le thème de la bienveillance. De son côté, l’entrepreneure Céline Puff Ardichvili, auteure d’un livre sur l’entreprise contributive, écrivait en avril 2022 : « Sylvain Breuzard et moi-même courons dans la même catégorie : celle qui démontre que l’on peut faire du business autrement. »
Pour sa part, le concepteur de la permaentreprise veut aller plus loin que la RSE qui, selon lui, depuis son arrivée en France dans les années 2000, n’a pu éviter la dégradation de la planète et l’aggravation des inégalités sociales. « Dans la pratique, la RSE se traduit trop souvent par l’organisation de séminaires de golf, l’acquisition d’un baby-foot ou la distribution mensuelle et gracieuse de fruits issus de l’agriculture biologique. Insuffisant. C’est pour que les entreprises aient, enfin, un véritable impact sur l’environnement que Sylvain Breuzard souhaite déployer la permaentreprise à grande échelle. » peut-on encore lire dans Décideurs Magazine.