L’objectif de neutralité carbone pour 2050 va nécessairement modifier drastiquement le marché de l’emploi français, qui connaîtra lui aussi une décarbonation majeure. Tous les secteurs sans exception seront concernés mais certains, comme l’automobile et le logement, subiront d’importantes destructions de postes. En revanche, d’autres secteurs, comme l’agriculture et le marché du vélo, seront positivement impactés avec la création de nombreux emplois. Au final, la décarbonation devrait même engendrer la création de plus de 300 000 nouveaux emplois dans notre pays, selon l’association The Shift Project.
Le think tank The Shift Project, présidé par le consultant et conférencier Jean-Marc Jancovici, a récemment publié un rapport expliquant les conséquences de la décarbonation de nos modes de vie sur l’économie. Tous les secteurs du marché de l’emploi seront concernés mais de différentes manières. La transformation bas carbone touchera toutefois plus directement les secteurs des transports, du logement et de l’agriculture. Certaines industries seront également impactées.
Au total, selon le rapport, l’atteinte de la neutralité carbone permettra une création de l’ordre de 300 000 postes dans notre pays, soit une hausse d’environ 2 % du nombre d’emplois. Il y aura certes de nombreuses destructions de postes (800 000), mais qui seront compensées par la création de 1,1 million d’emplois.
C’est le secteur de l’agriculture qui, sans surprise, connaîtra la hausse la plus importante avec la création de près de 500 000 emplois supplémentaires au cours des trente prochaines années. La relocalisation de la production de fruits et légumes créera à elle seule presque 400 000 emplois ! La généralisation des pratiques agroécologiques permettra le recrutement de plus de 100 000 personnes. Enfin, une nouvelle main d’œuvre sera nécessaire dans le cadre des activités de valorisation par les producteurs (environ 40 000). En revanche, la relocalisation engendrera la perte de 80 000 emplois dans les activités concernant la transformation de produits issus des animaux et du négoce.
Le secteur du vélo va également connaître une hausse notable : « L’essor des mobilités actives et de l’ensemble des véhicules électriques légers prévu par le PTEF (plan de transformation de l’économie française lancé par The Shift Project) devrait entraîner un très ample développement économique dans ces secteurs. Le vélo se distingue par la plus forte augmentation relative parmi les secteurs évalués avec une multiplication par 20 dans l’industrie et par 12 dans les services aval de vente/entretien/réparation (+ 45 000 et + 185 000 emplois, respectivement). » peut-on lire dans le rapport. Cette hausse importante s’expliquera notamment par une pratique accrue du vélo, essentielle pour atteindre la neutralité carbone.
Selon le rapport, la décarbonation du secteur du logement engendrera une baisse des besoins en main-d’œuvre avec une perte de 100 000 emplois environ. En effet, malgré la création de près de 100 000 emplois liée à la rénovation énergétique, presque 200 000 postes seront supprimés avec la baisse nécessaire des constructions neuves. En outre, la diminution de l’utilisation du ciment et du béton impactera le secteur avec une destruction de presque 20 000 emplois. En revanche, ces deux matériaux seront remplacés par le bois, et la baisse des effectifs sera compensée par la création de près de 30 000 postes dans le secteur du bois.
C’est le secteur de l’automobile qui sera le plus négativement impacté par la décarbonation de l’économie avec plus de 300 000 emplois perdus. « La cause principale serait le recul de l’usage de la voiture, et par conséquent des ventes et de la production, entraînant une baisse à proportion de l’emploi. Cette baisse serait accentuée par l’électrification, qui rend l’industrialisation et la réparation moins intenses en emploi d’environ 20 %. Près de la moitié de la baisse totale provient des activités aval, notamment la réparation, l’entretien et la vente. Une relocalisation de la production automobile et le développement sur le territoire de la fabrication des batteries, ainsi que l’installation et l’entretien d’un réseau adéquat d’infrastructures de recharge amortissent partiellement ce résultat. » peut-on encore lire dans le rapport.
A noter que le transport aérien, grand émetteur de CO2, connaîtra lui aussi une baisse notable de ses effectifs avec la destruction de presque 40 000 emplois. Cette diminution sera compensée par la création d’autant de postes dans le secteur du transport ferroviaire.
Enfin, dans les secteurs de l’administration publique, de la santé et de la culture, le rapport indique que le nombre d’emplois devrait rester stable.