Une récente enquête étudiant le sujet de la diversité en entreprise a passé au crible les comités exécutifs et conseils d’administration des grands groupes français cotés au SBF120 (sociétés des bourses françaises). Pour les auteurs, le constat est sans appel : le taux de diversité ethnoculturelle y est très faible. Le pourcentage de membres issus des minorités visibles est même encore plus faible dans les entreprises au sein desquelles l’État a une participation.
Un cabinet de conseil en stratégie d’inclusion, Mozaïk RH, et une solution digitale RH, Me and You Too, qui accompagne les entreprises dans la transformation de leurs politiques et de leurs pratiques en faveur de la diversité et de l’inclusion, ont réalisé récemment une enquête sur le sujet des discriminations au travail. Une centaine de grands groupes français cotés au SBF120 (sociétés des bourses françaises) ont été interrogés, 1773 profils au sein des comités exécutifs (comex) ont été passés en revue et 1499 profils au sein des conseils d’administration (CA) ont été étudiés.
« L’objectif de cette étude était de quantifier la présence de la diversité ethnoculturelle dans les instances dirigeantes des grandes entreprises en France, puis de distinguer la part de cette diversité qui relève de la diversité des nationalités de celle qui relève de personnes françaises d’origines diverses et, enfin, d’identifier si certains facteurs (secteurs d’activité, présence de l’Etat au capital, culture du diplôme, niveau de mixité) ont un impact sur la représentation de la diversité des origines. » peut-on lire dans l’analyse de l’étude.
Pour réaliser cette enquête, les organisateurs ont étudié les photos des membres des comités exécutifs et conseils d’administration, ont compté les noms à consonance extra-européenne (arabe, africaine, asiatique, ou indo-pakistanaise) et ont comparé les nationalités extra-européennes versus les nationalités européennes. « En France, les statistiques ethniques sont certes interdites, mais il est possible, tout en restant dans la légalité, de mesurer la diversité des origines dès lors que l’on respecte notamment l’anonymat des personnes », explique Saïd Hammouche, président fondateur de Mozaïk RH, dans un article du journal Le Monde.
« Avec cette étude, les entreprises ne pourront plus dire qu’elles ne savent pas ou qu’elles n’ont pas le droit de savoir. » ajoute Saïd Hammouche. Car après avoir recensé les personnes issues des minorités visibles ou portant un nom à consonance africaine, maghrébine ou asiatique, le constat de Mozaïk RH et Me and You Too est sans appel : l’étude n’en a dénombré que 3,5 % parmi les dirigeants des comités exécutifs et 4,2 % parmi les membres des conseils d’administration. En outre, parmi les directeurs généraux ou présidents directeurs généraux des SBF20, seulement deux ont une nationalité extra-européenne et deux sont binationaux.
« Selon l’INSEE, la part des immigrés et descendants d’immigrés représente 30 % de la population en France, dont 13 % issus de l’immigration extra-européenne. (…) Est-ce normal que cette diversité ne soit incarnée, quand elle l’est, que dans les strates les plus basses des organisations, donnant raison à ceux qui pensent que l’ascenseur social est bel et bien en panne ? » peut-on encore lire dans l’analyse de l’étude.
L’étude révèle par exemple que plus de 90 % des membres des comités exécutifs ont la peau blanche avec des noms à consonance européenne. En outre, plus de 50 % des membres ont fait une grande école figurant parmi les dix écoles considérées comme étant les plus prestigieuses. Enfin, l’étude a également pris en compte la place des femmes dans les instances dirigeantes des grandes entreprises en France. « Les femmes y sont largement sous représentées avec un taux de féminisation moyen de 23 % encore loin des 40 % demandés par la loi Rixain à horizon 2030 » expliquent les auteurs. En effet, les entreprises du SBF 120 ne comptent que dix femmes dirigeantes. Quant aux entreprises du CAC40, il n’y en avait qu’une en 2021, même si deux femmes ont depuis été nommées début 2022.
« L’État devrait être exemplaire et plus vigilant que tout autre, il ne l’est pas » dénonce Inès Dauvergne, cofondatrice de Me and You Too, dans l’article du journal Le Monde. « Les instances dirigeantes des grandes entreprises (sont) imperméables à la diversité … » renchérit Laurent Alos, spécialiste de la RSE, sur son compte Twitter quelques jours plus tard.
Car « les instances dirigeantes des entreprises dans lesquelles l’État a une participation, que ce soit au capital ou via un siège au CA, sont moins diverses du point de vue des origines que la moyenne du SBF120. Les taux de diversité ethnoculturelle y sont deux fois moins importants au sein des comités exécutifs avec 1,7 % de minorités visibles au sein des comex contre 3,5 % en moyenne dans le SBF120. On trouve également dans ces entreprises une culture du diplôme plus forte, avec 63 % des membres des comex qui sont diplômés d’une grande école très prestigieuse contre 49 % en moyenne dans le SBF120. Plus de la moitié de ces entreprises n’ont aucune minorité visible dans leur comex ou leur conseil d’administration de nationalité française ou européenne. » apprend-on encore dans l’analyse de l’étude. A noter en revanche que le taux de diversité ethnoculturelle est un peu plus élevé dans les conseils d’administration de ces entreprises (5,3 %), ce qui est intéressant lorsque l’on sait que les membres de ce conseil sont désignés par l’ensemble des actionnaires, alors que les membres du comité exécutif sont les dirigeants de l’entreprise.
Les auteurs de l’étude, qui mettent l’accent sur le diplôme comme frein majeur à la diversité, incitent donc l’État à choisir ses candidats parmi d’autres écoles que les établissements prestigieux habituellement plébiscités afin d’élargir les profils d’un point de vue ethnoculturel ou social.