Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le 28 février la deuxième partie de son sixième rapport, des experts s’interrogent sur les défis des entreprises, en matière d’impact, mais pas seulement. Car les entreprises vont elles aussi subir les conséquences du réchauffement climatique et devront s’adapter dès que possible. Pourtant, les moyens mis en place semblent insuffisants.
Les scientifiques du GIEC, dont l’objectif est de proposer une synthèse de toutes les études parues sur le sujet, ont établi un constat sans appel dans la deuxième partie de leur rapport : le changement climatique impactera l’ensemble des habitants de la planète et aura des conséquences désastreuses sur la biodiversité, parfois même de manière irréversible.
Dans cette deuxième partie, le lecteur apprend par exemple que 18 % des espèces terrestres pourront s’éteindre si la terre se réchauffe de 2°C d’ici la fin du siècle. Si le réchauffement se limite à 1,6°C, 8 % des terres qui sont cultivables aujourd’hui ne le seront plus en 2100. Or, nous subissons déjà une hausse de 1,2°C. Cette baisse de productivité de ces cultures mais aussi de la pêche engendreront des famines. Ainsi, jusqu’à 80 millions de personnes pourraient souffrir de la faim d’ici seulement 30 ans. Les événements météorologiques extrêmes (feux de forêt, canicules, tempêtes, inondations, etc.) vont massivement s’accentuer. En conséquence, jusqu’à 3 milliards de personnes pourraient souffrir du manque d’eau en raison de la sécheresse en cas de réchauffement de la planète de 2°C. En outre, les boucles de rétroaction amplifieront les phénomènes. Ainsi, la hausse du niveau de la mer augmentera l’impact des grosses tempêtes ainsi que les submersions marines. Ces dernières pourraient toucher un milliard de personnes qui devront probablement déménager.
« L’inaction est un risque commercial insensé qu’aucune entreprise ne peut se permettre » confie Nicolette Bartlett au journal luxembourgeois Paperjam le lendemain de la publication de la deuxième partie du rapport du GIEC. Madame Bartlett est chief impact officer chez CDP, une ONG qui collecte des données chiffrées sur l’impact environnemental des sociétés d’investissement et des entreprises. L’ONG avait notamment communiqué en 2017 sur le fait que 100 entreprises seraient responsables de 71 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En 2021, CDP expliquait encore que les sociétés cotées en bourse sont responsables de 40 % des émissions. « Pour limiter les effets du changement climatique, les entreprises devraient alors réduire de moitié leurs émissions d’ici à 2030 » peut-on lire dans l’article.
Les entreprises devront certes s’adapter pour limiter leur impact mais pas seulement : ces dernières aussi vont subir de plein fouet les bouleversements climatiques. Nicolette Bartlett explique ainsi que « les efforts d’adaptation (sont) désormais la condition minimale de survie » et que cette adaptation des entreprises devra passer « par le biais de chaînes d’approvisionnement ou de modèles commerciaux résilients ». Cette dernière ajoute également que les entreprises doivent agir rapidement : « L’adaptation deviendra plus difficile, voire impossible, si le réchauffement se poursuit au rythme actuel et que la planète franchit point de basculement après point de basculement et subit des impacts irréversibles », analyse-t-elle en effet.
« Malheureusement, les moyens mis en place aujourd’hui sont loin d’être à la hauteur du constat » écrit Cécile Desjardins dans le journal Les Échos début février. La journaliste évoque un baromètre réalisé fin 2021 par l’AMRAE (Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise) en partenariat avec AXA Climate dans lequel 43 % des entreprises indiquent ne pas posséder de gouvernance des risques climatiques. « Beaucoup de groupes semblent encore très « silotés » sur ces sujets, au point que deux risk managers sur cinq ne sont pas informés de la réalisation du reporting climatique de leur entreprise » indique Cécile Desjardins. On y lit également que 70 % des entreprises interrogées estiment que des progrès sont nécessaires quant à la coordination du pilotage des risques climatiques et que plus de 60 % des risk managers pensent ne pas avoir les compétences requises pour gérer le problème climatique. « Un peu court pour ce qui s’annonce comme le sujet de la prochaine décennie. » analyse la journaliste.
La prise de conscience va donc être cruciale et modifiera en profondeur le fonctionnement des entreprises et leur activité. Le sujet n’est pas seulement synonyme de crise mais aussi de transition pérenne qui suppose un changement de stratégie. Et la journaliste de citer le président de l’AMRAE, Oliver Wild : « Il va falloir adapter les modèles d’affaires et la gestion des activités pour rechercher une certaine résilience face au réchauffement climatique. Le temps est venu de l’action, non pas entreprise par entreprise, mais à l’échelle des territoires ou des zones industrielles, dans une approche large et collaborative, mêlant grandes entreprises et PME, structures privées et publiques. »