La Responsabilité sociale des entreprises, qui vise à servir le collectif et la performance en se mettant à l’écoute de l’individu, n’est pas un concept nouveau. Mais il est encore trop peu appliqué, alors qu’il ne fait plus guère de doute qu’une organisation véritablement inclusive a des effets positifs sur ses salarié.es et ses résultats.
Dans le monde de l’entreprise, la question du télétravail, de son utilité – nuit-il à la performance ou, au contraire, l’accroît-il ? -, promet des débats houleux entre direction et employé.es. Alors que certaines études tendent à montrer que le travail à distance, qui s’est considérablement développé depuis un an et demi afin de lutter contre la pandémie de coronavirus, empêcherait l’innovation, d’autres semblent indiquer que les salarié.es ne sont pas prêt.es à troquer le confort du travail à la maison pour un retour au bureau.
La thématique du télétravail n’est que l’une des questions qui se pose aujourd’hui dans l’entreprise, qui n’a pas attendu la crise du Covid-19 pour tenter de se repenser. En 2019, une étude académique menée par Walid A. Nakara, professeur et directeur de la chaire «Entrepreneuriat social et Inclusion» à la Montpellier Business School, et Anne-Valérie Crespo-Febvay, doctorante à l’Université de Montpellier, faisait ainsi le point sur le concept d’inclusivité en entreprise, en plein essor.
« Depuis les années 2000, les entreprises se sont engagées dans des démarches RSE, passant notamment par la qualité de vie au travail de leurs collaborateurs et la reconnaissance de leur politique de diversité », expliquent les deux auteur.es de l’étude. Selon qui les deux tiers des structures sondées (parmi lesquelles BRL, Dell, Eminence, Sanofi, Sodexo…) font référence au concept d’inclusivité, et cherchent à diversifier leurs recrutements et réduire notamment les écarts de salaire entre hommes et femmes.
Il apparaît pourtant que les entreprises françaises peuvent faire davantage. Anne Revillard, professeure associée en sociologie à Sciences-Po, pointait par exemple, dans son ouvrage Handicap et Travail paru en 2019, le faible taux d’emploi des personnes en situation de handicap (3,6 %). Ou encore le rapport Vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, publié la même année par le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui révélait que l’écart salarial selon le sexe stagnait en 2015 à 24%. « Soit à peine un point de moins que son niveau de 2002 », expliquent Walid A. Nakara et Anne-Valérie Crespo-Febvay.
Pour rendre l’entreprise davantage inclusive, ces derniers ont donc proposé 4 leviers d’action, avec, « en premier lieu, l’engagement des top managers ». Et de citer l’exemple de BRL, qui a inscrit « de façon volontariste » l’environnement et l’humain au cœur de ses rouages et réflexions. « L’impulsion donnée par la direction générale permet aux managers d’appliquer des pratiques de travail respectueuses des choix stratégiques », estiment les deux chercheurs.
Et parce qu’il s’agit d’individus, raison d’être du fonctionnement entrepreneurial, les Ressources humaines (RH), également, ont un rôle-clé à jouer derrière le top management. L’idée n’est pas nouvelle, mais force est de constater qu’elle n’est pas assez respectée : « Développer une politique inclusive ne peut se faire sans que les collaborateurs ne se sentent reconnus dans leur singularité, dans un environnement sécurisé et dans une activité dans laquelle ils se sentent utiles ». Autrement dit : toute gestion des RH devrait savoir créer les conditions de la motivation individuelle et (donc) collective sur un projet partagé.
Le troisième levier d’action est lié au précédent, puisqu’il s’agit, selon l’étude, d’instiller l’idée (et la mettre en œuvre) que la performance d’une entreprise est consubstantielle à la prise en compte de toutes ses individualités ; « de faire en sorte que les différents membres travaillent ensemble au mieux au service de la performance de l’organisation », résument les deux chercheurs, qui s’appuient sur l’exemple de l’association de voile Team Jolokia, qui érige le collectif en maître des décisions, et milite de facto pour la diversité et l’inclusion.
Enfin, ce n’est pas un mystère si de plus en plus d’entreprises (Dell, BRL) mettent en place des actions de formation à destination de leurs managers : selon Walid A. Nakara et Anne-Valérie Crespo-Febvay, ces derniers « sont des acteurs essentiels de l’inclusion à travers leurs propres actions et notamment vis-à-vis de leurs collaborateurs pour coconstruire avec eux des actions au service du projet commun ». Autrement dit : tout management se voulant inclusif nécessite la reconnaissance de la spécificité de tou.tes les managers, pour qu’ils ou elles puissent ensuite « reconnaître et valoriser les individualités dans le collectif ».
Si la question du télétravail promet d’agiter encore un peu le monde de l’entreprise, celle de l’inclusivité ne fait plus guère de débat. C’est ce qu’il ressort de la grande étude du Boston Consulting Group publiée en septembre dernier, d’après laquelle les employé.es des entreprises inclusives connaissent des expériences professionnelles « plus positives » et sont en meilleure santé. Diversité, inclusion, reconnaissance : et si les exigences de productivité et d’innovation des employeurs passaient réellement par ces prérequis ?