Si les salariés ont conscience de l’impact du réchauffement climatique sur leurs conditions de travail, les entreprises et les politiques publiques ne se sont pas encore suffisamment emparées du sujet. Des solutions existent pourtant et doivent passer par le dialogue.
« On parle peu de la relation climat-travail-santé et pourtant les canicules ou l’augmentation des risques météorologiques pèseront sur le monde du travail » rappelle sur son compte Twitter Jean-Louis Bergey, chef de projet Prospective Energie-Ressources Transition(s) 2050 au sein de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Ce dernier évoque le rapport réalisé par Sophie Thiéry et Jean-François Naton. La première est présidente de la commission Travail et Emploi du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le second est rapporteur de l’avis du CESE. Le CESE a en effet effectué une importante enquête dans le cadre de ses recherches sur les dérèglements climatiques et la santé au travail, dont il a présenté les conclusions le 14 février 2023.
Ces conclusions démontrent que si les employés connaissent les risques engendrés par la crise climatique concernant leur état de santé, le modèle suivi par les entreprises et les politiques demeure le même et manque donc de capacité d’adaptation. Selon le CESE, la solution naîtra du dialogue qui s’opérera entre les salariés, les décideurs des politiques publiques et les dirigeants des entreprises.
Le CESE a mis en place une consultation professionnelle en décembre 2022 sur le sujet des conséquences du réchauffement climatique sur les conditions de travail. Les résultats sont sans appel et évoquent un « haut niveau de préoccupation » de la part des employés. Ainsi, 70 % des salariés et des agents de la fonction publique estiment que leur santé peut être impactée par la crise environnementale.
« Le lien entre environnement et conditions de travail est bien identifié. Les salariés et les agents ont également conscience de l’impact des dérèglements climatiques sur la santé. Lors des canicules de 2022, chacun a en effet pu ressentir concrètement les effets des températures fortes. Le problème ne concernait plus seulement les travailleurs du bâtiment ou de l’agriculture qui doivent rester en plein air. Tout le monde était concerné : dans les écoles, les bureaux, les administrations… » explique Sophie Thiéry, présidente de la commission Travail et Emploi du CESE, dans un article de Viva Magazine publié fin mars 2023.
En revanche, cette prise de conscience demeure individuelle et manque de globalité. En effet, si une grande majorité des travailleurs constatent l’impact du réchauffement climatique sur leurs conditions de travail, ils ne sont que près d’un tiers à déclarer que ce sujet revêt une importance autour d’eux, au niveau collectif.
« Nous devons passer d’une logique de réparation à une logique de prévention. L’organisation et les conditions du travail doivent être repensées pour sortir de cette logique de crise. Notamment les équilibres entre vie professionnelle et vie privée, les déplacements vers le lieu de travail… » ajoute Sophie Thiéry, pour qui les politiques publiques doivent être totalement modifiées sur ce point.
Il existe des outils exploitables, tels que la BDESE, une base de données économiques, sociales et environnementales, obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés et qui présente les principales stratégies de l’entreprise, ou le DUERP, le document unique d’évaluation des risques professionnels qui recense les risques pour la santé et la sécurité potentiellement présents dans l’entreprise. Néanmoins, l’étude met en exergue le fait que ces outils ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux, tout comme les formations proposées aux salariés.
« Cette intensification de l’effort collectif de la part des employeurs doit passer par le développement du dialogue social » conclut l’article en évoquant les propos de Jean-François Naton, rapporteur de l’avis du CESE, pour qui « la question des moyens alloués à ce dialogue social est essentielle ». L’écoute des salariés et la mise en place d’un dialogue pérenne serait donc la clé.