Les études sur la discrimination à l’embauche sont encore rares. Mais les récentes recherches confirment le fait que les caractéristiques physiques du candidat, lorsqu’elles renvoient à une origine étrangère, pèsent encore et toujours dans les processus de recrutement européens.
Les études européennes mesurant la discrimination à l’embauche sont rares. Pourtant, il apparaît que les caractéristiques physiques, lorsqu’elles renvoient à une origine étrangère, pèsent encore grandement dans les processus d’embauche sur notre continent.
Des chercheurs issus de l’université Carlos III de Madrid (UC3M) en collaboration avec l’université d’Amsterdam, le centre de sciences sociales de Berlin (WZB) et le centre allemand de recherche sur l’intégration et la migration (DeZIM) ont récemment réalisé une étude sur le sujet, concluant que le fait de posséder des caractéristiques physiques différentes des européens blancs est un obstacle de taille lors de l’envoi d’un CV.
La plupart des études précédentes étaient basées sur des résultats incomplets en raison des particularités américaines, qui interdisent l’apposition d’une photographie du candidat sur son CV. Ainsi, l’étude des discriminations était limitée aux nom et prénom du candidat et à leur consonance éventuellement étrangère. Il était donc important de réaliser une nouvelle étude prenant en compte à la fois la couleur de peau et les éléments culturels tels que les langues parlées ou l’origine.
Pour la réalisation de cette étude, les chercheurs ont envoyé pas moins de 13 000 CV avec une photographie, à des entreprises situées en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne. Chaque faux profil avait en commun la tranche d’âge, le pays de naissance (c’est-à-dire celui du pays de l’entreprise choisie) et les compétences. En revanche, l’origine du candidat était clairement visible soit via la photographie, soit via le nom de famille ou les langues parlées. Ainsi, les scientifiques ont volontairement choisi des photographies avenantes mais qui allaient permettre à l’entreprise de repérer facilement la communauté dont était issu le candidat à travers les traits de son visage (noirs, asiatiques, caucasiens à la peau foncée, caucasiens à la peau claire).
Les résultats de l’étude, récemment publiés dans la revue scientifique Socio-Economic Review, ont montré que l’appartenance à une minorité visible réduit de 10 % les possibilités d’embauche pour les candidats issus des communautés arabes, et même de 20 % pour les personnes issues des communautés asiatique, autochtone et noire. Les candidats noirs, originaires du Maghreb et du Moyen-Orient, ont dû transmettre deux fois plus de CV qu’un candidat blanc, originaire d’Europe, avant d’obtenir une réponse d’une entreprise, malgré des compétences identiques, et ce dans les trois pays.
Les chercheurs ont malgré tout noté quelques différences entre les pays. « Nos résultats suggèrent que le phénotype a une importance prépondérante dans les deux pays du nord de l’Europe, l’Allemagne et les Pays-Bas, ce qui est un problème pour nombre de personnes non-blanches. En Espagne, la dynamique est quelque peu différente. Les discriminations semblent être plus prégnantes pour une certaine partie de la population avec des combinaisons de phénotype et de région d’origine spécifiques » expliquent les scientifiques, dont les propos sont rapportés dans un article du site d’information Youmatter consacré à l’étude. Ainsi, le racisme allemand et néerlandais s’exprime uniquement dans la prise en compte de la couleur de peau du candidat alors qu’en Espagne, la couleur de peau et l’origine du candidat découlant de sa couleur de peau ont tous les deux une importance.
Frédéric Fougerat, spécialiste de la communication et de la RSE, rappelle de son côté sur son compte Twitter que la diversité se décide. « Quand il n’y a pas de diversité dans une organisation, c’est qu’il n’y a pas de volonté politique pour en avoir. » explique-t-il en janvier 2023. Une politique nationale de sensibilisation aux discriminations à l’embauche serait donc particulièrement pertinente, comme le conseille Florentin Roy, journaliste spécialisé sur la transition écologique et sociale, dans son article publié sur le site d’information de Youmatter.