J’ai découvert un peu plus précisément les enjeux de l’énergie et du climat au milieu des années 2000, à travers les vidéos de Jean-Marc Jancovici, à une époque qui correspondait chez moi à une interrogation sur mes activités professionnelles, puisque j’étais chez un constructeur automobile depuis déjà pas mal d’années !
La question climatique ainsi que celle de la déplétion des énergies fossiles ont commencé à me titiller, et j’ai rapidement eu l’impression que nous avions un sérieux problème, voire deux problèmes.
Le dérèglement climatique était évidemment assez bien connu à cette période, mais je n’avais clairement pas conscience de ce que cela représentait comme défi.
Il m’aura quand même fallu pas mal d’années de plus pour entrer complètement en dissonance avec mon travail et décider de me diriger vers une entreprise plus en ligne avec mes convictions, un Institut de Transition Énergétique sur les sujets de mobilité.
J’ai eu la chance de pouvoir mener en parallèle, grâce à un temps partiel choisi, un engagement bénévole chez les Shifters dès 2018, et de contribuer à partir de 2021 aux travaux de The Shift Project, présidé par Jean-Marc Jancovici, notamment sur l’automobile.
C’est maintenant mon activité à plein temps.
La Fresque de la Mobilité est née dans le sillage de la Fresque du Climat, et pour servir d’outil de déploiement aux travaux du Shift Project sur la mobilité quotidienne. Elle a maintenant plus de trois ans et a été portée par les bénévoles des Shifters.
Son objectif est de sensibiliser le plus massivement et le plus rapidement possible sur les enjeux de la mobilité des personnes.
Nous visons trois publics avec des versions dédiées : les citoyens, les entreprises et les collectivités, qui ont chacun un rôle primordial et complémentaire à jouer dans les transformations à venir.
La première partie de compréhension globale permet de mesurer la problématique de la mobilité telle que nous l’avons construite depuis l’avènement de la voiture, avec sa dépendance aux énergies fossiles, à la voiture et les multiples externalités liées.
La seconde partie, et nous l’avons construite à dessein, est destinée à pointer les actions possibles et immédiatement applicables pour décarboner notre mobilité et celle de nos organisations. A partir d’un jeu de rôle très ludique, les participants identifient, en fonction de situations diverses, quels leviers ils peuvent mettre en œuvre, tout en restant acceptables pour eux.
Notre fresque est donc très opérationnelle et peut déboucher très rapidement sur un plan d’actions efficace de réduction des émissions de la mobilité. Et surprise, la baisse des émissions va de pair avec une baisse des dépenses de transport !
Je dirais que la prise de conscience commence à être présente chez beaucoup de dirigeants d’entreprises. C’est évidemment variable mais le niveau de connaissance général me semble progresser, du fait que le sujet est de plus en plus présent médiatiquement, mais aussi sous l’effet des réglementations qui doivent être appliquées par les entreprises.
Pour la mobilité, on peut citer la loi LOM de 2019, l’intégration de la mobilité dans les Négociations Annuelles Obligatoires, le verdissement des flottes, ou l’interdiction de vente des véhicules neufs en Europe en 2035.
En revanche, les plans d’action sont encore largement insuffisants.
Les contraintes et crises à venir sont globalement assez peu prises en compte, qu’il s’agisse de l’adaptation au réchauffement climatique, des tensions d’approvisionnement en matières et énergie, ou des tensions géopolitiques croissantes.
A leur décharge, ces sujets sont évidemment complexes et les solutions tout autant. C’est encore plus vrai sur le transport tant la mobilité est perçue comme une liberté, souvent présentée ou ressentie comme attaquée au nom du climat.
La polarisation autour de la voiture électrique n’aide pas non plus à y voir clair et de nombreuses croyances doivent être combattues sur ce point.
Enfin, si l’on veut prendre un chemin de décarbonation résiliente de la mobilité, il faut mettre en œuvre des politiques de long terme, pas toujours compatibles avec les horizons des entreprises (ni des pouvoirs publics d’ailleurs).
Le principal risque, à mon sens, dans la transition bas carbone de la mobilité, est que tout change pour que rien ne change.
En d’autres termes, faire perdurer notre système de transport à l’identique en ne faisant que remplacer des véhicules thermiques par des véhicules électriques ne résoudra que peu de nos problèmes, nous fera rater nos objectifs climatiques et ne construira pas un système résilient qui permettra à toutes et tous de se déplacer.
Imaginer remplacer quarante millions de voitures thermiques par quarante millions de voitures électriques de deux tonnes et d’une autonomie de 800 kilomètres est une illusion dangereuse.
La question de la réduction de nos besoins de mobilité doit être mieux appréhendée. Beaucoup de nos déplacements sont contraints : aller au travail, se rendre à des rendez-vous, faire ses courses. L’urbanisme et l’aménagement du territoire sont donc des leviers majeurs pour réduire les distances à parcourir. Cela suppose de repenser notre organisation collective sur le long terme. Le défi est bien sûr important, mais essentiel, y compris pour réduire les inégalités face à la mobilité.
Sobre, multimodal, partagé et électrique !
C’est sur l’ensemble des leviers de décarbonation de la mobilité qu’il nous faut agir : de la sobriété structurelle et comportementale, du report vers des modes de transport décarbonés, du partage de nos véhicules, et de l’électrification rapide.
Sur la voiture individuelle, la sobriété aussi est essentielle. Elle doit devenir plus petite, plus légère et une part importante de nos besoins de déplacements peut parfaitement être couverte par des véhicules beaucoup plus sobres comme les véhicules légers intermédiaires !
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