L’approvisionnement durable consiste à acheter des matières premières ou des produits transformés nécessaires à l’activité de l’entreprise, d’une façon qui lui permet d’assurer une pérennité business tout en limitant son impact sur la planète et ses habitants. Au-delà de l’aspect écologique ou philanthropique, il s’agit en premier lieu d’anticiper tout risque mettant en péril la production :
Dès lors, il s’agit de se questionner sur ses achats et sur leurs impacts de façon globale, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis l’extraction/la culture de la matière première (enjeux sociaux et environnementaux) jusqu’à l’utilisation du produit par le consommateur final (impact des matières premières sur la santé du consommateur par exemple). Il convient ainsi, pour les entreprises, d’arriver à structurer leur politique d’achat au regard d’engagements et de partis pris : fixer une distance maximale entre la production et les sites de l’entreprise, définir des critères sociaux et environnementaux, par exemple vérifier l’impact sur les populations locales, s’assurer qu’il n’y a pas d’expropriation liée aux matières, de déforestation d’une forêt primaire, de déscolarisation d’enfants, etc.
La démarche d’une entreprise peut se résumer à mesurer l’impact, puis prioriser les enjeux, construire une stratégie, et enfin structurer son plan d’actions.
Ainsi, pour limiter et avant tout déterminer son impact, l’entreprise doit réaliser une cartographie des risques sur l’ensemble de ses produits et des zones d’approvisionnement dont ils sont issus, afin de connaître les couples [pays X produits] les plus sensibles. Par exemple, le chocolat cultivé en Amérique Centrale est souvent produit dans des systèmes en agroforesterie, avec un impact sur le dérèglement climatique bien plus faible que dans certains pays producteurs d’Afrique où la déforestation est importante. Si la culture intensive de l’amandier de Californie est responsable d’une crise locale autour de l’eau, le retour de cette même culture en France, à plus petite échelle, permet de relocaliser des emplois à haute valeur écologique et patrimoniale (nougat de Montélimar par exemple) dans des écosystèmes adaptés. La production de soja (comme l’ensemble des plantes de cette famille) en France permet, quant à elle, de réduire l’utilisation d’engrais chimiques dans notre pays alors qu’elle peut être controversée quand elle est responsable de la destruction d’écosystèmes en Amérique du Sud.
Pour être pertinente, cette cartographie ne doit pas s’arrêter au seul périmètre de l’usine, mais bien prendre en compte tous les maillons de la chaîne de valeur, en choisissant des indicateurs mesurables et objectifs (impact climat, consommation d’eau, etc.). Le bilan carbone, l’empreinte forêt, le bilan biodiversité ou même le global slavery index sont aujourd’hui des outils connus et reconnus permettant à l’acteur de déterminer les risques et de mettre en place sa politique d’approvisionnement responsable. Cette politique doit être associée à des plans d’actions vérifiables, concrets et pilotables. Cette cartographie détaillée permet ainsi de prioriser les risques les plus importants à traiter.
Après avoir réalisé sa cartographie des risques détaillés, il est nécessaire d’accompagner ses initiatives vertueuses d’une stratégie et d’indicateurs de pilotage pour les mettre en musique et maximiser leur impact. En fonction de ses moyens, il est souvent plus pertinent de se concentrer sur peu d’actions mais des actions répondant aux filières prioritaires identifiées lors de la mesure.
Il est important de noter que les réglementations en cours ou à venir vont renforcer les attentes auprès des entreprises autour de leur responsabilité environnementale ou sociale/sociétale. La nouvelle réglementation européenne liée à l’extra-financier (CSRD ou Corporate Sustainability Reporting Directive) enjoint les entreprises à structurer de façon harmonisée leur stratégie sur le climat, la biodiversité, les enjeux sociaux, etc. Le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) commence à limiter les matières premières issues de la déforestation dans l’UE. Une autre réglementation européenne (Forced Labour Ban) interdit la vente de commodités issues du travail forcé, etc.
Consommer durablement, c’est avant tout réduire le besoin en ressources. C’est donc questionner l’intérêt réel du produit pour apporter au consommateur ce dont il a besoin. L’économie de la fonctionnalité privilégie ainsi l’usage d’un produit plutôt que sa vente : location de pneu au kilomètre, achat de lumière plutôt que de lampes. L’entreprise a alors pour objectif de faire durer le plus longtemps possible ses équipements et d’optimiser leur coût et leur durée de vie. Dans cette continuité, l’économie circulaire réutilise une ressource et lui donne une deuxième, troisième, énième vie, évitant l’exploitation de nouvelles matières premières pour construire le même produit. L’économie circulaire casse la chaîne « je prends, je jette, j’exploite des matières premières pour produire de nouveau la même chose ».
Ensuite, exploiter durablement les ressources de la planète, c’est privilégier les ressources renouvelables. La « bioéconomie » englobe ces notions. Il s’agit de s’appuyer sur le vivant pour produire de l’énergie ou des matières premières : privilégier du bois (issu de forêts exploitées durablement) permet de s’assurer que la matière première se renouvellera contrairement à un gisement métallique. Table en bois plutôt que table en plastique, isolant à base de paille, gaz issu de la méthanisation plutôt que gisements fossiles, sont autant d’exemples où le vivant répond à nos besoins durablement.
L’agriculture actuelle, malgré des rendements encore très attractifs dans certaines régions, est peu résiliente face aux conséquences du dérèglement climatique et à la chute drastique de la biodiversité. Émettrice de gaz à effet de serre, elle doit faire sa part pour réduire ses émissions. Solution face au réchauffement, elle devra optimiser les puits de carbone naturels (sols, végétaux) qui sont son outil de travail. Victime du dérèglement climatique, elle devra s’adapter à des écosystèmes instables et en évolution. Au-delà du climat, l’agriculture peut prendre une place encore plus forte dans nos sociétés et nos territoires.
Ainsi, l’agriculture de demain sera résiliente. Elle travaillera davantage avec le vivant, avec les écosystèmes : le retour des chauves-souris par la plantation d’arbres permet d’optimiser leur chasse aux insectes ravageurs de cultures par exemple. Les sols vivants, en bonne santé, permettent de réduire le besoin en fertilisants. Jouer sur des cultures plus diversifiées, nourrir les élevages à partir des pâturages, nouveaux engrais naturels, etc. : les solutions ne manquent pas.
L’agriculture de demain peut aussi être un levier clef pour la transition de la France : productrice de matières premières pour le quotidien, productrice d’énergie, d’isolants, créatrice de paysages et de zones de loisirs. Tout reste à inventer pour recentrer notre agriculture sur les besoins des territoires. Sans faire concurrence à l’alimentation, ces nouveaux usages pourraient permettre de diversifier nos productions, de proposer de nouveaux modèles économiques plus rémunérateurs à nos agriculteurs et agricultrices, de générer de nouveaux emplois locaux. L’agriculture de demain devra, pour être résiliente, passer ainsi d’une logique mondiale à une logique plus locale.