La décarbonation d’une entreprise consiste à identifier et mettre en œuvre tous les leviers permettant de réduire son empreinte carbone, à la fois sur ses activités cœur de métier, mais aussi en amont, avec ses fournisseurs, et en aval, avec ses clients. Il s’agit de diminuer toutes les émissions de gaz à effet de serre : on pense évidemment en premier lieu au dioxyde de carbone (CO2), mais aussi au méthane (CH4), ou encore à l’oxyde nitreux (N2O).
Les actions de décarbonation peuvent donc embrasser un périmètre très large, comme par exemple :
– Concernant l’énergie : augmenter l’efficacité énergétique des équipements pour consommer moins d’énergie, encourager la sobriété des usages de l’énergie, changer de source d’énergie pour une énergie moins carbonée.
– Concernant les bâtiments : réaliser les rénovations énergétiques nécessaires, adapter les consignes de température (exemple : baisser de 1°C l’hiver la température des bureaux peut diminuer jusqu’à 7% de l’énergie appelée).
– Concernant l’alimentation : augmenter la part de protéines végétales dans l’assiette pour limiter les protéines animales, réduire le gaspillage.
– Concernant ses achats : choisir ses fournisseurs en fonction de l’empreinte carbone des produits ou services qu’ils proposent.
La première étape est souvent de mesurer son empreinte carbone et environnementale dans l’objectif de déterminer les principales dépendances carbone de l’entreprise, afin de travailler à les réduire.
J’observe toutefois que beaucoup d’entreprises se « cachent » dernière une mesure qu’elles considèrent comme imparfaite pour la refaire de manière plus précise, sans lancer pour autant toutes les actions de réduction « sans regret »* faciles à implémenter.
Les deux étapes suivantes consistent à :
– D’une part identifier et caractériser les leviers de réduction de son empreinte, à la fois sur le plan carbone, mais aussi sur le plan des moyens organisationnels, techniques, humains ou financiers à mettre en œuvre ;
– D’autre part, se fixer des objectifs de réduction pour son entreprise, basés sur la science (en s’appuyant par exemple sur l’initiative Science-Based Targets ou encore sur la Stratégie Nationale Bas-Carbone).
Le préalable incontournable est d’avoir une direction d’entreprise formée aux enjeux énergie / climat, et consciente des risques et opportunités que le changement climatique fait peser sur la pérennité de son activité.
*Les actions dites « sans regret » caractérisent toutes les premières actions de sobriété, efficacité énergétique ou substitution qui sont faciles à implémenter et dont on sait qu’elles vont réduire l’empreinte carbone. On peut donc les mettre en œuvre sans regret.
Une entreprise, un produit ou un service ne peuvent pas être neutres en carbone : c’est de l’écoblanchiment que de revendiquer de telles allégations. Le Giec est très clair : la neutralité carbone n’a de sens qu’au niveau planétaire ou à l’échelle d’un territoire. Pour atteindre cette neutralité, il faut à la fois réduire les émissions anthropiques (c’est-à-dire réalisées par l’homme) et augmenter les puits de carbone anthropiques, pour arriver à un équilibre des flux. Il faut noter que l’immense majorité de l’effort consiste à réduire drastiquement les émissions.
Les organisations humaines comme les entreprises peuvent toutefois contribuer à la neutralité planétaire, en agissant principalement sur trois piliers (voir la Matrice Net Zero Initiative) :
1) La réduction des émissions induites par ses activités et sa chaîne de valeur, qui doit être la priorité ;
2) Développer des produits et services qui évitent des émissions aux clients par rapport à des produits ou services de la même catégorie ;
3) Développer les puits de séquestration de carbone, notamment quand les entreprises ont un amont agricole.
Le concept de compensation souffre de beaucoup de limites : c’est pourquoi chez Carbone 4 nous préférons parler de contribution à la neutralité planétaire. Le terme de compensation sous-entend une « annulation » des émissions induites de son activité par des émissions séquestrées (dans les arbres par exemple), alors qu’il n’y a pas la même temporalité selon si les émissions sont induites (déjà émises dans l’atmosphère) ou séquestrées (nous supposons que dans vingt ans tel arbre aura peut-être séquestré autant de carbone que ce que je viens d’émettre). On ne peut donc pas masquer les immenses efforts de réduction des émissions attendus de la part de toutes les organisations humaines par un jeu d’astuces comptables qui décréterait que les entreprises qui achètent des crédits carbone à hauteur de leurs émissions sont neutres.
Les entreprises qui veulent contribuer à la neutralité doivent donc tenir deux comptes distincts, et mener deux champs d’action différents : d’une part et en premier lieu réduire massivement leurs émissions induites, et d’autre part contribuer à augmenter les émissions séquestrées.
Rappelons-nous que la comptabilité carbone a grosso modo une vingtaine d’années, quand la comptabilité économique en a plus de 2000, et figure parmi les premières traces d’écriture observées ! Il existe donc des référentiels de comptabilité carbone qui s’améliorent d’année en année : citons l’ISO 14064, ou encore le GHG Protocol (pour Green House Gaz Protocol). Cependant, toute mesure d’empreinte carbone est d’abord une approximation : en effet, le carbone n’est pas mesurable par prise directe, mais est estimé avec le support des référentiels cités ci-dessus. Le but n’est pas d’être précis au gramme de carbone près, mais de comprendre les principaux postes d’émissions sur lesquels agir. C’est pourquoi il est difficile d’évaluer la fiabilité des empreintes carbone des entreprises, d’autant plus que selon le niveau de détail que celles-ci communiquent, il est possible de constater une grande difficulté à comparer deux entreprises aux activités similaires, notamment si l’une d’elles a exclu le comptage des postes dits « optionnels », alors que l’autre les a inclus, sans qu’aucune des deux ne soit assez explicite sur le périmètre effectivement pris en compte (voir notre article : Les entreprises reportent-elles des émissions de GES fiables ?).
Les efforts pour mesurer plus précisément l’empreinte carbone des entreprises ne doivent pas obérer l’implémentation des actions de réduction effective des émissions.