Je n’ai pas eu de révélation à proprement parler et je n’y crois pas pour la majorité des cas. Je pense que les prises de conscience entre le savoir, la compréhension et l’intégration sont toujours des phases plus ou moins longues, mais néanmoins qui s’étalent dans le temps. Pour moi, c’est un ensemble d’éléments, mais mes rencontres pour mon podcast et mon livre ont renforcé les intuitions que j’avais sur l’incompatibilité entre notre manière de faire du business et le respect du vivant. L’idée n’est pas de dire que business et écologie s’opposent, mais de voir pourquoi nous avons dérapé et comment trouver un point de rencontre plus équilibré.
Le marketing est la science de la vente donc c’est naturellement compliqué car l’idée reste malgré tout de consommer moins… Et le marketing invite à l’inverse à créer des besoins dont les consommateurs n’ont pas nécessairement besoin.
On pourrait envisager que le marketing soit justement utilisé afin de créer les meilleurs produits pour les personnes et leurs besoins : être plus respectueux pour avoir un air pur, limiter la consommation, se déconnecter au maximum, renforcer les liens…
Il y a plein d’exemples très intéressants comme le fait qu’une machine à laver intègre de l’eau froide alors qu’il existe de l’eau chaude déjà disponible dans le logement ou tout simplement une douche qui permet de réutiliser l’eau en la nettoyant des germes de la peau. Beaucoup d’ingénieurs travaillent sur ces questions et l’idée est sans doute de faire en sorte que ces solutions deviennent la majorité et pas uniquement celles de petites startups dans leur coin. Peut-être devrions-nous considérer la durée de vie d’un produit plutôt que juste le nombre de produits vendus ?
Par ailleurs, à travers la communication, nous pouvons envoyer des imaginaires de sobriété. C’est essentiel, car la publicité est le premier média que nous consommons et car c’est à travers nos imaginaires que nous modifions nos gestes du quotidien. Si l’on diffuse des publicités qui vous montrent que partir en vacances à vélo est appréciable, si vous avez deux ou trois amis qui ont déjà fait l’expérience avec beaucoup de plaisir, vous allez sans doute envisager cette option alors qu’avant, vous ne rêviez que d’une chose : partir à l’autre bout du monde.
L’humain est un animal social qui a tendance à changer par mimétisme : la communication et le marketing ont donc des impacts très importants à mon sens.
Beaucoup d’entreprises cherchent surtout à réduire l’empreinte carbone, car c’est facile à comprendre et mesurable. Ce n’est pas le bon problème et donc pas la bonne solution.
L’existence même des directions RSE est problématique parce que cela reporte le sujet sur une direction unique alors qu’en réalité, c’est l’entreprise qui doit, dans son intégralité, changer son rapport au business et changer son rapport au monde.
Certaines entreprises cherchent malgré tout à mettre le « care » au centre et changent totalement leur rapport au business. Ce sont ces entreprises que je m’efforce à recevoir dans le cadre de mon podcast Ping et à mettre en avant pour donner l’exemple à d’autres personnes en position de leadership afin qu’elles-mêmes soient inspirées.
Je pense que nous allons, par étapes, vers une société qui va se déliter. Les deux prochaines décennies seront compliquées, mais sans aller jusqu’à l’effondrement. L’effondrement supposerait de se diriger vers une situation de type Mad Max ou vers l’extinction de la race humaine. Je ne crois pas à ce scénario. Par contre, les conditions de vie sur la planète vont très largement devenir plus difficiles pour les humains : c’est une certitude selon moi. Un organisme qui perd une grande partie de sa richesse, de la même manière que lorsque notre microbiote est pauvre, ne peut pas être un organisme en bonne santé. La technologie nous aidera mais ce qui va vraiment évoluer je crois, c’est un retour au spirituel sous différentes formes, et donc un rapport au vivant qui va profondément changer. C’est en tout cas ce que je souhaite.