Les directeurs RSE ont des profils, des parcours, des cursus académiques et même des missions très variés. En revanche, leur rôle principal est le même pour tous : convaincre les dirigeants de leur entreprise d’agir face au dérèglement climatique.
Dans un article publié en novembre 2023, le journal Le Figaro, en collaboration avec le cabinet de conseil Segalen+Associés, a dressé le portrait des directeurs RSE des entreprises du CAC40 en étudiant des caractéristiques telles que leurs fonctions actuelles et précédentes, leur cursus académique ou encore leur ancienneté dans l’entreprise.
Premièrement, la féminisation du métier est notable, puisque les deux tiers des directeurs RSE sont des femmes. Cette tendance s’explique en partie par la volonté d’intégrer davantage de femmes aux postes de direction. En outre, « les ressources humaines et la communication sont des domaines majoritairement féminins et, dans la mesure où la RSE constitue souvent un élargissement de ces missions, cela semble logique » explique Emmanuel Dufour, associé au sein du cabinet.
L’étude révèle également que la RSE est représentée dans 77 % des comités exécutifs des groupes du CAC40, ce qui démontre l’importance accordée à la RSE au plus haut niveau de la hiérarchie de l’entreprise.
Les directeurs de la RSE occupent fréquemment d’autres fonctions puisque 13 % d’entre eux gèrent la communication, 10 % les ressources humaines et 10 % la stratégie. « Dans l’industrie, (la RSE) touche l’opérationnel quand la décarbonation de l’activité est un chantier prioritaire. Elle sera alors plutôt une affaire d’ingénieurs. Mais c’est aussi un chantier pour les ressources humaines quand il s’agit d’apporter de la diversité, de l’inclusion et d’améliorer la marque employeur. » précise l’article du Figaro.
Une autre spécificité : il n’existe pas de fiche de poste précise, son contenu variant selon les entreprises et les secteurs. Cela explique en partie pourquoi 55 % des directeurs RSE du CAC40 ont obtenu leur poste via des promotions internes, les entreprises privilégiant la connaissance intrinsèque à l’expérience externe. Leurs parcours académiques sont également très variés (universités, écoles de commerce, écoles d’ingénieur) même si une majorité a étudié dans des institutions parisiennes notables.
Enfin, une autre caractéristique marquante est la nationalité étrangère que possède un quart des directeurs RSE du CAC40. « La RSE n’est pas une question propre à l’Hexagone donc il peut s’avérer intéressant de l’internationaliser pour l’enrichir de l’expertise développée ailleurs » ajoute Emmanuel Dufour.
Relayée par la directrice des Echos Le Parisien Evénement, Aziliz de Veyrinas, sur son compte Twitter en février 2023, la tribune de Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable du Groupe Bouygues, insiste sur un élément. Malgré la diversité des parcours et des missions qui incombent aux directeurs RSE, ces derniers n’ont qu’un véritable rôle : dire la vérité et reconnaître les faits scientifiques incontestables en promouvant des modèles d’affaires contributifs respectueux des limites planétaires. Ils doivent en effet convaincre leur direction de reconfigurer les modèles d’affaires, d’anticiper les renoncements, de collaborer avec des partenaires et concurrents sur les alternatives possibles, d’utiliser le Green Deal comme levier positif en matière de production, et de mettre en place un système de management basé sur la confiance et la solidarité.
Fabrice Bonnifet remet en question l’idée d’un monde infini et souligne l’importance d’évaluer honnêtement l’impact des entreprises sur le climat et les risques géopolitiques. Il considère que, malgré les avertissements scientifiques, les responsables RSE ont échoué à sensibiliser les décideurs à propos de l’urgence climatique. Ils doivent maintenant remettre en cause les certitudes erronées sur le développement durable et transformer profondément les modèles d’affaires en persuadant les directions de faire preuve de sincérité et de cohérence.
« Chaque jour d’inaction rapproche l’humanité de seuils d’emballement qui rendront impossible l’adaptation de l’économie » prévient le Directeur Développement Durable du Groupe Bouygues. Ainsi, les responsables RSE doivent cesser de cautionner les discours conventionnels car, en période de crise, l’environnement et le social sont souvent sacrifiés pour favoriser l’économie à court terme. Il est crucial de dénoncer les illusions de la croissance verte et de reconnaître que la transition n’a pas réellement commencé. Enfin, les professionnels de la RSE doivent avoir le courage de soutenir des principes de bon sens, reconnaître les échecs post-Accord de Paris, et œuvrer pour mettre l’économie au service du vivant.