Incendies, crues meurtrières, fonte des glaces, sécheresse… Des images de catastrophes naturelles, informations peu optimistes, alarmistes et angoissantes sur le changement climatique et l’avenir qui se profile, arrivent des quatre coins du monde. Une étude récente réalisée auprès de 10 000 jeunes de dix pays pays différents, a montré que 50 % d’entre eux se disent atteints d’éco-anxiété, 56 % n’ont tout simplement plus foi en l’humanité et 39 % hésitent à avoir des enfants.
D’après une étude publiée sur The Lancet Planetery Health, jamais une aussi grande partie de la jeunesse n’avait été autant éprouvée moralement par les questions climatiques et environnementales. Ce sondage effectué par l’institut Kantar entre mai et juin 2021, révèle que 75 % des 10 000 jeunes interrogés et âgés de 16 à 25 ans, venant de dix pays différents, ont peur de l’avenir.
Importé en France en 2019, notamment grâce aux recherches de la médecin publique Alice Desbiolles, le concept d’éco-anxiété affirme qu’être exposé à des informations anxiogènes à cause de la crise climatique et environnementale peut devenir une pathologie grave. Les jeunes seraient les plus vivement touchés, de plus en plus conscients d’un avenir incertain.
« On savait que l’éco-anxiété progressait, notamment parmi les jeunes, qui représentent la population la plus vulnérable, mais on ignorait que cette souffrance psychologique était si répandue et ce mal-être si profond », a déclaré l’auteure de l’étude, Caroline Hickma, professeure à l’université de Bath au Royaume-Uni.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a récemment admis que si le dérèglement climatique allait provoquer des problèmes majeurs de santé dans les décennies à venir (dénutrition, maladies liées à la pollution de l’air, augmentation de la morbidité et mortalité dues à des évènements météorologiques extrêmes et à des catastrophes naturelles, etc.) , les dommages sur la santé mentale, avaient, quant à eux, été trop minimisés jusque là.
La crise climatique pourrait créer « de nouvelles conditions psychologiques » et « aggraver les maladies mentales déjà existantes chez les jeunes ». « Les impacts sanitaires du changement climatique peuvent inclure une morbidité et une mortalité accrues dues à l’aggravation des problèmes cardiopulmonaires, l’aggravation des crises allergiques et un risque accru de maladies infectieuses et de maladies mentales, y compris l’anxiété, la dépression et un trouble de stress post-traumatique dus à des évènements météorologiques extrêmes », rapporte un article de l’American Academy of Family Physicians (AAFP).
Si les gouvernements n’agissent pas ou pas suffisamment, d’ici 2030 le dérèglement climatique va s’intensifier encore davantage, selon le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) . Or, les jeunes de 16-25 ans aujourd’hui, auront entre 35 et 50 ans entre 2040 et 2050, période où le pire pourrait commencer à arriver si les politiques climatiques ne sont pas rapidement infléchies. Ils seront donc la génération du déclin et des catastrophes climatiques.
Bien que ces conséquences psychologiques sur la santé mentale des jeunes générations aient jusque là été trop peu rendues visibles, les symptômes n’en sont pas moins graves. Attaques de panique, insomnie, pensées obsessionnelles, troubles de l’alimentation et du sommeil, sentiment d’impuissance… Les manifestations psychologiques et comportementales affectent la santé globale de ces jeunes personnes touchées.
Sans compter qu’autant de stress peut engendre des addictions à des substances et inscrire sur le long terme dans des phases de dépression profonde.
Cette sensibilité des jeunes aux questions environnementales permet toutefois de constater leur intérêt grandissant pour la sauvegarde de la planète. Ces conséquences sur la santé mentale montrent par ailleurs la détresse des jeunes face à l’échec des politiques publiques. 65 % des jeunes personnes sondées estiment en effet que les gouvernements n’agissent pas suffisamment pour sauver la planète.
Beaucoup d’entre eux culpabilisent aujourd’hui, sous l’influence de dirigeants et de lobbies, qui ont encore tendance à trop en demander aux citoyens (et à faire peser sur eux la responsabilité de la catastrophe imminente), sans agir eux-mêmes sur les problèmes de fonds. Sarah Ray, qui s’est penchée sur l’éco-anxiété à la HumBoldt State University, en Californie, pense que cette dépression généralisée chez les jeunes pourrait « jouer un rôle dans les poursuites judiciaires liées au changement climatique, car ils pourront fournir la preuve d’un préjudice moral en vertu de la loi sur les droits humains. »
Finalement, le seul moyen d’enrayer cette nouvelle maladie mentale est d’enrayer la crise climatique qui l’a créée. Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS a d’ailleurs récemment et justement rappelé dans un communiqué qu’ « il n’existe aucun vaccin contre la crise du climat ».