Dans notre pays, de nombreux salariés estiment encore être victimes de discriminations lors d’un entretien d’embauche. Les causes sont diverses : le physique, le sexe, l’identité sexuelle, la jeunesse ou à l’inverse l’âge avancé, les origines et la nationalité, l’état de santé, la situation de handicap, les choix politiques ou religieux, l’appartenance à un syndicat ou encore la vie de famille et la maternité.
Dans un article du Monde publié le 17 octobre dernier, on apprend ainsi que les personnes blanches nées en France ont « 83 % de chance en plus d’être reçues à l’entretien d’embauche que celles des minorités non blanches », contre 41 % pour la Belgique, 33 % pour les États-Unis et seulement 24 % pour notre voisin allemand. On découvre aussi que le taux de chômage des personnes handicapées est « deux fois plus élevé que celui du reste de la population ». On y lit enfin que lors de l’année 2017, les femmes salariées du secteur privé ont gagné « en moyenne 16,8 % de moins que les hommes en équivalent à temps plein » et que « 36 % des membres de la communauté LGBT+ estiment que faire son coming out est un obstacle à leur carrière. »
Face à ce constat, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des mesures pour à la fois supprimer les discriminations et ouvrir leurs postes à des profils différents. L’objectif : favoriser la diversité. Elles souhaitent ainsi dynamiser leurs équipes et accroître leurs performances.
Outre la formation des recruteurs et des managers afin d’éviter que toute intention potentiellement discriminante, même positive, vienne influencer le recrutement, et plus tard l’évolution de carrière du salarié, l’article met en exergue une autre mesure importante : l’élargissement du processus de recrutement. Le but est de ne pas se cantonner aux sources classiques et d’atteindre les meilleurs candidats. L’économiste Yannick L’Horty, directeur de la fédération de recherche du CNRS « Théorie et évaluation des politiques publiques », déclare ainsi au quotidien français : « Il faut diffuser les annonces par des canaux d’informations qui atteignent les personnes là où elles se trouvent. Ce qui nécessite un fléchage différent pour les offres non qualifiées vers les quartiers pauvres en s’appuyant sur les missions locales et tous les acteurs qui participent à l’action politique de la ville, et pour les emplois qualifiés avec ces mêmes acteurs des quartiers prioritaires de la ville, plus les associations qui valorisent ces personnes. »
Certaines entreprises agissent directement sur la rédaction des offres d’emploi, dans l’objectif notamment d’augmenter le recrutement de femmes et de personnes en situation de handicap. D’autres établissent même « des partenariats avec des sites d’emploi spécialisés dans la diversité, misent sur l’apprentissage et fixent des quotas », peut-on lire dans le Monde.
Cependant, certains spécialistes estiment qu’il n’est pas pertinent d’appliquer en France les politiques RSE des entreprises américaines parce que leur modèle sociétal est différent du nôtre.
Les entreprises américaines promeuvent la diversité, et plus encore l’inclusion, dans le cadre de leur politique RSE mais également dans leurs campagnes marketing. Ainsi, Thibault Baranger, consultant en affaires publiques auprès de dirigeants d’entreprises, explique dans une tribune qu’aux États-Unis, « pour rétablir l’égalité, chacun est étiqueté en fonction de son appartenance ethnique, de ses convictions religieuses ou de ses orientations sexuelles. » Seulement, il estime que cette vision n’est pas adaptée au consommateur et au salarié français : ces derniers, en tant que citoyens français, sont les héritiers d’un modèle sociétal laïque, n’acceptant aucune distinction, ainsi que le stipule notre Constitution.
Le spécialiste craint l’apparition de politiques RSE trop segmentaires qui au final permettraient d’atteindre des objectifs commerciaux mais au détriment des valeurs d’unité qui fondent notre particularité sociale. Il donne les exemples suivants : « Nike et Adidas se sont engouffrés dans le mouvement « Black Lives Matters ». Airbus, Orange, L’Oréal, Pfizer, BCG et plus de 150 autres entreprises adhèrent à la charte LGBT+ de l’association « Autre Cercle » (…). Petit Bateau se donne désormais pour mission de favoriser l’inclusion de « tous les types de familles ». »
En conséquence, le spécialiste considère que les grands groupes, en s’inspirant ainsi des politiques RSE des entreprises américaines qui répondent pourtant à un modèle sociétal différent du nôtre, vont finir par contester cette spécificité française et endosser un rôle politique qui n’est pas le leur.