Yenny Gorce est directrice de l’association Vivre et Travailler Autrement (VETA) qui promeut les personnes autistes au travail. Elle est l’auteur de « Petit guide pratique pour réussir l’inclusion en entreprise« .
Ancienne salariée du groupe Andros, connu pour son engagement pionnier en faveur de l’inclusion professionnelle des personnes autistes, Yenny Gorce est directrice de l’association Vivre et travailler autrement.
Au cours de votre vie professionnelle, comment avez-vous découvert la RSE ?
Je ne connaissais pas la RSE avant d’arriver chez Andros et que l’on me propose de participer à la création de ce qui était à l’époque la Cellule Développement Durable. Dans le cadre de mes missions de Chargée de Communication et Chargée des projets Ethiques et Sociaux j’ai découvert les Objectifs de Développement Durable, les nouvelles attentes des parties prenantes des entreprises et donc les différents domaines sur lesquels l’entreprise allait devoir rendre des comptes. Ensuite, lorsque l’entreprise a souhaité mettre en place une vraie politique RSE, j’ai étudié la Norme ISO 26000 qui en donne une définition et un cadre.
Par ailleurs, en tant que directrice de l’Association Vivre et Travailler Autrement, j’ai accompagné un grand nombre d’entreprises à la mise en place de nos dispositifs et j’ai donc pu avoir une vision terrain des actions de chacune d’elles sur les différents sujets que la RSE englobe.
Enfin, la RSE est devenue l’essence même et l’objectif premier de l’entreprise que nous avons créée avec mes associés.
Malgré votre départ du groupe Andros, vous défendez et portez toujours sa politique d’ouverture aux salariés autistes. En quoi consiste cette stratégie appelée « dispositif Andros » ?
L’objectif de notre association est de rapprocher les entreprises et les organismes médicaux-sociaux autour de l’insertion des personnes avec TSA. Son ambition est d’opérer un changement global de paradigme concernant la prise en charge des adultes autistes afin qu’ils puissent accéder à une vie la plus normale possible au sein de la société. Son action consiste à concourir à bâtir un monde où les adultes autistes sont considérés comme des adultes à part entière, capables d’atteindre, ou du moins de progresser vers l’autonomie et où leur accompagnement est l’affaire de tous ceux qui les côtoient.
Pour permettre à des adultes autistes d’accéder à l’autonomie, l’Association propose un modèle, complémentaire des pratiques actuelles dans la prise en charge et l’accompagnement de ces adultes. L’Association accompagne les professionnels de l’autisme et les entreprises pouvant offrir des postes de travail adaptés afin de mettre en place une collaboration autour de l’activité professionnelle et de l’habitat.
Un emploi adapté, un habitat inclusif et à taille humaine, le tout orchestré et accompagné par une seule et même équipe formée et supervisée.
De l’aveu même des personnes autistes, leur inclusion en entreprise nécessite un certain nombre d’adaptations. Quels sont les aménagements nécessaires au sein d’une entreprise pour accueillir des salariés dits neuro-atypiques ?
Il m’est difficile de répondre à cette question parce que cela dépend de chaque personne et de l’environnement dans lequel elle évolue.
Dans le cadre de nos projets et pour répondre aux besoins spécifiques des personnes correspondant à notre public cible, nous travaillons l’anticipation, l’environnement de travail, la compréhension des tâches et accordons une grande importance à l’aménagement des espaces. Une organisation spécifique doit être mise en place avec l’anticipation et l’identification du travail à effectuer (fiche de poste, attente, protocole d’erreur) et la définition précise du temps de travail. Des espaces clairement identifiés permettent au salarié autiste de repérer le type de tâches qui doivent y être exécutées. Un environnement lisible et stable le rassure, clarifie les attentes, lui permet de s’orienter et se déplacer de façon indépendante. Des repères visuels simples et peu couteux peuvent suffire à le rassurer. Les bruits (y compris les échanges verbaux), la lumière et mouvements de machines ou de salariés pouvant être envahissant, il convient alors de mettre en place des aménagements : réduction de la luminosité, filtres de lumières sur des baies vitrées ou des écrans d’ordinateur, insonorisation et privatisation de l’espace de travail, poste de travail éloigné des passages ou de certaines odeurs incommodantes. Un emploi du temps peut permettre à la personne autiste d’anticiper les différents temps de sa journée mais aussi ses repos, ses congés. La possibilité de s’isoler dans une pièce au calme avant d’être en surcharge sensorielle et/ou sociale est recommandée. Cela permet de s’apaiser, de se recentrer, de couper des autres et du bruit environnant.
Du point de vue de l’entreprise, la promotion de profils atypiques, aussi appelée neurodiversité, améliore-t-elle la créativité et la productivité du personnel ?
Bien sûr. La présence des salariés autistes remet l’essentiel au centre : en voyant leurs sourires et leur entrain à venir travailler, les salariés ordinaires se rappellent que pour certains c’est une chance de travailler ; leur sérieux et leurs capacités sur des tâches bien précises font d’eux parfois des modèles d’exemplarité ; leur relationnel plus vrai, plus direct, permet plus d’authenticité et de spontanéité dans les échanges.
« Pour certains, c’est une chance de travailler », dites-vous des salariés autistes. Comment les associations de personnes neuro-atypiques accueillent-elles votre politique inclusive ?
Nous sommes très soutenus par des associations de parents. Nous n’avons pas beaucoup de liens avec les associations de personnes autistes puisque les projets ne concernant pas les personnes qui pourraient en faire partie mais nous avons eu beaucoup de questions. Mais c’est normal puisque ce qui est nouveau fait peur et que nous avons osé collaborer avec des grandes entreprises ou grands groupes. Et parfois c’est ce type d’employeurs qui sont remis en question sur leur politique sociale.
Votre association Vivre et travailler autrement participe-t-elle à la stratégie nationale pour l’autisme que l’Etat a lancée en 2018 ?
Oui le Président, Jean-François Dufresne est membre du Conseil national des troubles du spectre autistique (TSA) et des troubles du neuro-développement (TND)